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L’opinion publique italienne et l’annexion de La Brigue et de Tende à la France

Romain H. Rainero

Texte intégral

1Parmi les problèmes posées à l’opinion publique italienne au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et surtout après la signature du traité de paix de Paris entre les Nations Unies et l’Italie le 10 février 1947, la rectification de la frontière alpine entre l’Italie et la France, qui entraînait le passage des territoires de La Brigue et de Tende à la France, suscita évidemment d’importants remous.

2Dans ce contexte, même l’utilisation des termes eut son importance : les Français parlaient de“rattachement” tandis que les italiens évoquaient le problème en d’autres termes : “annexion”, “revendication” ou “impositions territoriales”. L’opinion italienne ne prenait pas ou peu en compte la dimension géographique ou humaine de l’affaire, elle se situait plutôt dans le contexte des relations futures entre la France et l’Italie. Avec les preuves que la“nouvelle Italie” avait donné au monde, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, en tournant la page de la politique mussolinienne, l’opinion italienne estimait qu’allait renaître l’ancienne et traditionnelle amitié entre les deux pays.

3Dès 1944, on s’était beaucoup interrogé sur le futur des relations italo-françaises, mais l’intérêt maximum se situa au lendemain des hostilités et surtout dans la période qui a précédé la rédaction définitive du traité de paix. L’on crut alors que la France allait traiter l’Italie avec la générosité qu’on lui connaissait, mais après la publication des projets de traité de paix avec l’Italie, ces illusions furent brisées et le réveil après ce long espoir fut rude.

4C’est une réalité brutale et définitive qui se révéla à une opinion publique italienne qui avait cru à une certaine libéralité française envers une Italie qui avait banni, au travers de déclarations officielles, et l’agression du 10 juin 1940, et les propos belliqueux des revendications fascistes. Ce qui provoqua l’émotion des Italiens de la Ligurie et du Piémont, avec l’annonce de la part de la France de la requête de “modestes rectifications de frontière”, ce fut, en définitive, la confirmation d’une politique revendicative, et certes peu amicale, de la France envers le gouvernement de l’Italie.

5Les espoirs du gouvernement démocratique de Rome de Alcide de Gasperi et de son Ministre des Affaires Etrangères Carlo Sforza, qui insistaient avec ténacité sur la nature démocratique et amicale du gouvernement de la “nouvelle Italie” , furent déçus.

6Paris et ses alliés des Nations Unies paraissaient, au contraire, vouloir avec ce traité de Paris punir une Italie passée, l’Italie fasciste du “coup de poignard dans le dos”, en oubliant que l’Italie profonde et réelle était devenue une autre Italie qui avait liquidé l’ancien régime avec le changement de cap du 25 juillet 1943, après les activités des mouvements de résistance et surtout après les multiples activités de cobelligérance que la nouvelle armée italienne avaient réalisé avec les armées de Nations Unies dans le dernier assaut à l’Allemagne d’Hitler.

7Evidemment la confirmation juridique et irrévocable de la perte pour l’Italie de ces territoires alpins en faveur de la France ne pouvait pas ne pas susciter des réactions émues de la part d’une opinion publique italienne qui avait désormais fait un choix démocratique et institutionnel avec le référendum du 2 juin 1946 et qui avait, depuis la fin de la guerre, opté pour un retour à l’amitié traditionnelle de l’Italie envers la France, cette France qui pourtant après avoir applaudi à cette “renaissance” italienne ne semblait pas vouloir établir avec elle des rapports d’alliés.

8Cette opinion publique italienne avait en outre bien présentes à l’esprit les déclarations du plus haut responsable de la politique française, le général De Gaulle, qui dataient de la période finale de la guerre et qui faisaient état de ses bonnes dispositions envers cette Italie démocratique. En effet les précédents que l’on citait volontiers refaisaient l’itinéraire de la reprise du dialogue entre les deux pays.

9Ces contacts qui remontaient à la première rencontre de Brindisi du 6 décembre 1943, entre René Massigli, Commissaire aux Affaires Etrangères du gouvernement d’Alger, et le ministre Renato Prunas, secrétaire politique du Ministère des Affaires Etrangères du gouvernement du Royaume d’Italie avaient eut lieu dans la partie libérée de la péninsule, et avaient été dominés par les paroles que le général De Gaulle avaient adressé au représentant soviétique de la Commission alliée pour l’Italie, A. Vychinski. Les mémoires de De Gaulle en font état :

“...notre politique italienne : malgré les difficultés et les malheurs qui ont frappé la France, il n’existe, à mon avis, aucune hostilité fondamentale entre les deux peuples... La guerre entre l’Italie et la France a éclaté dans les circonstances que l’on sait. Mais en dépit de tout, cet antagonisme (italien) est du, moins à une hostilité profonde qu’à la mauvaise politique adoptée par l’Italie et qui l’a menée à la catastrophe. Pour l’avenir le Général De Gaulle ne croit pas à la nécessité d’écraser l’Italie. Par contre il faut sanctionner et réparer, ce qui préparera les fondements d’une bonne entente...”.

10Le sens profond de ce discours qui avait été largement diffusé en Italie était, aux yeux des observateurs italiens assez clair : la France se rangeait du côté des amis-alliés de l’Italie et adopterait donc une politique de générosité même territoriale.

11C’était le problème “le plus épineux”, selon la formule de Jean-Baptiste Duroselle, car le Général De Gaulle devait déclarer, selon le compte-rendu de Couve de Murville de sa première rencontre avec Renato Prunas, le 30 juin 1944, d’un manière catégorique :

“La France n’a pas de revendication territoriale a faire valoir contre l’Italie : elle ne voit pas de raison pour qu’il soit porté atteinte à l’intégrité du territoire italien...”.

12Et ce même texte se retrouve dans le compte-rendu de son interlocuteur Renato Prunas, avec quelques renchérissements :

“De Gaulle continua affermando con energia che la Francia non ha da far valere aspirazioni territoriali di alcun genere ai danni dell’Italia. L’integrità territoriale italiana è, anzi, ta i fini della sua politica. Desidera rispettarla e vederla rispettata...”.

13Il y a lieu de préciser toutefois que la position de la France, ou du moins d’une certaine partie de son opinion politique, n’était absolument pas celle que les Italiens avaient entendue par la bouche de son chef, ni celle que les Italiens préconisaient : la politique des revendications alpines avait en réalité des origines lointaines car elle remontait à la toute première phase de la “France Libre”, celle du gouvernement d’Alger.

14En effet dès le 31 juillet 1943, Massigli reçoit un rapport sur “quelques particularités de la frontière franco-italienne”. Et en septembre 1943, le Comité de Défense Nationale en examinant l’élaboration d’un texte d’armistice avec l’Italie, devait inaugurer la phase revendicative. Le 24 novembre suivant le département de la guerre d’Alger en avait élaboré les détails“suivant les directives et même sous la dictée du général de Gaulle”.

15De Gaulle en avait parlé, en octobre, dans une conversation secrète au comte de Sforza, le futur ministre des Affaires Etrangères, en faisant état du désir d’annexer La Brigue et Tende afin de faire disparaître“quelques empiétements fâcheux” sur la frontière des Alpes.

16Sans vouloir refaire l’historique de ces rencontres et des démêlés diplomatico-stratégiques, l’on peut affirmer sans difficulté que les positions de la France Libre et surtout celle de son chef, étaient confuses et contradictoires. Et cette confusion entretenait l’espoir de concrétisation des attentes italiennes.

17Le document italien qui éclaire le mieux ces espoirs, et ces méprises, est le projet d’échange de lettres entre De Gaulle et Ivanoe Bonomi, président du Conseil, que le directeur général des Affaires Politiques du Ministère italien des Affaires Etrangères, Zoppi, eut l’idée de proposer, le 8 novembre 1944, dans lequel il était dit que :

 “... le gouvernement français est heureux de déclarer qu’il n’a aucune revendication à faire valoir à l’égard de l’Italie dont il entend respecter et voir respectée l’intégrité territoriale...”.

18Ce projet soumis aux interlocuteurs français n’eut aucune suite car les positions de la France faisaient toujours plus état de ces revendications, et les espoirs italiens devenaient donc vains.

19La position française, ou mieux, les positions françaises, eurent aussi des critiques avisés du côté français et non des moindres. A cet égard les Mémoires de Georges Bidault ne manquent pas de souligner que cette obsession de de Gaulle et du groupe des militaires d’Alger était le fruit de conceptions stratégiques surannés.

20Il écrit en effet que :

“...les rectifications de la frontière autour des cols, résultats des anciens cours de tactique à l’Ecole de guerre, ne m’ont jamais inspiré beaucoup de zèle. Mais j’ai déjà indiqué que, lorsque les décisions sont prises au plus haut niveau, comme on dit, un hectare mérite la même attention qu’une province. Après le “Clippertonnisme des océans”, voici son frère le “Chabertonisme des montagnes”.

21Les commentaires d’un historien nous apparaissent d’un intérêt certain :

“Sa conception des rectifications territoriales, écrira Maurice Vaisse, au détriment de l’Italie est réduite à sa plus simple expression”.

22Et un tandem de militaires français du Service Historique de l’armée de terre pourra écrire en 1996 :

“A la lecture de ces documents l’on a put dire, avec ironie ou compréhension, que la volonté de rectifier les anciennes frontières manifestée par le Chef de la France combattante, est plutôt le fruit plus des cours de l’Ecole de guerre que d’une vision politique réaliste...”.

23Et plus récemment encore, une étude locale de Paul Isoart établie sur de solides références d’archives évoque cette situation et les oppositions que cette rectification de la frontière suscitait par rapport aux futures relations franco-italiennes, et démontre que là se situaient l’ambiguïté et l’incompréhension.

24Selon les termes officieux du journal “Le Monde” du 19 mai 1945, il était déclaré que“la France ne prétendait en aucune manière annexer des populations italiennes” mais il était aussi rappelé qu’il ne saurait être question d’oublier que “certains villages de population française avaient été laissés à l’Italie lors du tracé de la frontière de1860.”

25Or ce même journal renchérissait en affirmant que :

“les populations de ces localités libérés par les troupes françaises ont spontanément et clairement manifesté leurs sentiments en faveur de leur patrie d’origine”.

26Il est évident qu’avec ce raisonnement on évoquait des droits historiques qui faisaient de ces territoires des terres niçoises, et donc françaises. Mais c’est cette affirmation qui provoqua une bonne partie des réactions italiennes qui, avec un raisonnement inverse, affirmaient que ces terres n’avaient jamais appartenues au Comté de Nice lorsqu’il était piémontais lié à la Maison de Savoie depuis 1501, et que la séparation de Nice de l’Italie ne pouvait avoir de conséquences légitimes sur la Brigue et Tende, territoires liés à l’Italie même après la cession de Nice à la France, cession “partielle” du territoire de cette même Maison de Savoie.

27Ce fut l’arguement majeur de Giorgio Beltrutti qui contestait les thèses françaises et défendait la nature“pémontaise” et non “niçoise” donc italienne des deux communes et leurs attaches administratives historiques non pas avec Nice mais avec Cuneo, argument qui sapait à sa base toutes les allégations “historiques” françaises fondées sur une erreur de Cavour et de ses conseillers.

28 L’idée de la rectification de la frontière alpine remonte à cette période et les développements de la campagne des armées de la France Libre à la frontière italienne ne fera que renforcer une conception stratégique qui dominera les considérations diplomatiques et politiques de la France envers l’Italie.

29Toutefois, pendant longtemps la majorité de l’Italie ignorera ces propos annexionnistes et son opinion publique s’intéressera plutôt à la reprise de la vieille amitié avec la France sur les bases qui avaient été jetées en pleine guerre par les accords de Saretto (du 30 mai 1944). Cela signifiait l’engagement dans une voie démocratique qui, au-delà des nations et de leurs rivalités, considérait désormais les relations franco-italiennes indissociables des prémisses d’une unité européenne souhaitée et “inévitable”.

30Naturellement, du côté italien, quelques voix réalistes se firent entendre pour mettre en garde contre toute illusion et toute générosité. La plus intéressante fut celle de Pietro Quaroni, alors ambassadeur d’Italie à Moscou (1944-1947) et futur ambassadeur à Paris (1947-1958). En observateur attentif des réalités internationales il souligna auprès du Président du Conseil et ministre des Affaires Etrangères, Alcide de Gasperi, les illusions italiennes à propos des frontières, des colonies et des réparations à payer. Dans un rapport du 5 janvier 1946, il énonça sa pensée en termes très clairs :

“Il y a plusieurs mois que nous frappons à toutes les portes...mais personne ne veut nous écouter... Ne donnons pas des illusions au peuple italien... Ce qui compte aujourd’hui... c’est ce qui, plus ou moins, a toujours compté, la force matérielle, la force brute : nous n’en avons pas et donc nous ne comptons rien”.

31Ce sentiment d’impuissance était celui du premier“représentant” de l’Italie nouvelle à Londres, non encore autorisé à se faire reconnaître comme “ambassadeur” Niccolo Carandini, et dominait dans tous les milieux diplomatiques italiens, mais l’opinion publique de la Péninsule n’en savait encore rien et espérait toujours.

32Il n’y a pas lieu dans la présente analyse d’évoquer, titre par titre, journal par journal, les différentes positions car les trop nombreuses citations nous feraient perdre le sens de notre analyse. Il est nécessaire, en revanche d’établir une périodisation et d’évoquer ensuite une réflexion ponctuelle sur ces échos, ainsi que sur la situation actuelle de la question sur les plans tant scientifique qu’émotionnel.

33La première période est celle qui précède l’élaboration définitive et la publication du traité de paix, c’est-à-dire l’année 1945. Cette première période est dominée par l’inquiétude et par l’extrême variété des thèses qui apparaissent dans la presse italienne.

34On ne peut pas attribuer une voix homogène à cette opinion italienne : elle oscille entre espoir et désespoir. Il n’y a qu’à rappeler que durant cette période le désordre, les contradictions et la désinformation sur la question règnent d’une manière générale. Un exemple pourra en confirmer l’étendue ; elles étaient telles que même le quotidien du parti au pouvoir, la Démocratie Chrétienne,“Il Popolo” en viendra à écrire, le 17 mai 1945, que les revendications françaises sur les Alpes n’existent point, quitte à s’en repentir peu après, deux jours plus tard, en donnant toutefois la version française de l’annexion : il s’agirait de “rectifications très modestes qui intéressent des zones dont la population était de langue française”.

35Pour le reste cette première période peut être analysée à partir des principaux thèmes qui, au-delà des partis et des journaux, sont récurrents. Le premier thème concerne le général de Gaulle qui est censé ne pas représenter la France, mais seulement son ambition personnelle. Il y a évidemment une confusion dans ce thème mais l’évocation reste homogène : le mauvais génie du chef de la France Libre s’exerce aux dépens de l’Italie car sa soif de grandeur ne peut s’exercer ailleurs, la France faisant partie des Grands en ne l’étant point.

36Les analystes de la presse manifestent souvent ce point de vue qui évoque de Gaulle comme celui qui ne sait pas appréhender la France profonde et qui est“victime” de ses ambitions de revanche et de ses généraux, et où la France est vue comme une nation à la recherche d’une nouvel d’un impérialisme dans une Europe divisée.

37Un quotidien républicain, n’hésitait pas à attribuer à de Gaulle et à sa “mentalité chauvine” toute la responsabilité d’une politique anti-italienne :

“Ne confondons pas de Gaulle avec la France, avec le peuple généreux des maquis et du front de la résistance. Malgré les mérites qu’il peut avoir à l’égard de son pays, il ne pourra jamais oublier d’être un général et de croire pour cette raison que les relations entre les nations sont des rapports de force et non de droit”.

38Et les libéraux de renchérir les fautes du général accusé d’être à l’origine d’un regain d’impérialisme sans scrupule aux portes de l’Italie :

“Il a un passé glorieux et il a rendu à la nation française des services que personne ne lui nie. Et bien d’autres services il pourra lui rendre s’il change de système et surtout de ton ; il se persuadera alors qu’il ne serait pas convenable d’ajouter quelques arpents de terre à son pays déjà trop grand pour sa population et que, au contraire, la France ne peut pas vivre isolée, suspecte aux yeux de tous et en crise avec tout le monde”

39Guido Gonella, ministre démocrate-chrétien se montre optimiste et souligne les espoirs italiens envers la générosité française. Cette idée est partagée par le secrétaire du parti communiste italien Palmira Togliatti qui insistait sur la volonté de paix qui devait désormais dominer les relations entre les deux pays. Et le ministre des Affaires Etrangères Carlo Sforza de renchérir peu après que tout changement de cette France qui était “le plus admirable et équilibré hexagone que l’histoire avait crée” serait dommage, et donc qu’elle ne voudrait point l’altérer.

40Mais les revendications et les propos d’expansion du gouvernement de Paris étaient surtout un argument à usage interne, pour démontrer aux Français que la France avait vraiment gagné la guerre. Ces observations étaient mitigées pour les gens du Parti d’Action qui avaient vécu, pour la plupart, en émigration politique en France durant le fascisme ; leur surprise toutefois était encore plus forte, mais ils se méfiaient des réactions qui auraient pu donner vigueur aux nationalistes italiens.

41Ainsi dans leur journal “L’Italia Libera”, Enrico Serra écrivait :

“L’on pourrait désormais faire toute une série de considérations polémiques envers nos voisins français... Mais nous ne croyons pas qu’il soit opportun de faire le jeu de la réaction qui, chez nous, dans les moments difficiles rejoint le nationalisme, son vieux cheval de bataille. Et la solitude de l’Italie était souvent évoquée : “L’on dirait qu’il soit dans la nature humaine que tout le monde se jette sur celui qui est tombé à genoux... Aucune lumière nous est offerte pour illuminer notre chemin afin de pouvoir commencer notre renaissance...”.

42Autre élément important de cette période, la polémique avec la France accusée d’avoir trahi, la longue amitié traditionnelle avec l’Italie historique qui désirait redevenir la nation soeur, après la malheureuse parenthèse du fascisme.

43A cet égard comment ne pas citer le faux historique publié par la revue officieuse du Ministère des Affaires Etrangères, “Politica Estera” ? Cette revue a cité dans un éditorial une affirmation “officielle” française du 11 juin 1940 (?) déclarant le maintien de la situation territoriale de l’Italie à l’issue du conflit. A partir de cette déclaration que l’on qualifiait d’officielle, l’accusation italienne d’avoir trahi cet engagement avec les revendications sur les Alpes était évidente. Or on peut aisément s’interroger sur“ce document” car la date semble impensable et, comme l’a bien démontré l’étude de Paul Isoart, le démenti officiel de la France qui suivit ne fit que rendre ridicule l’usage de cette fausse déclaration.

44La deuxième période se situe après la publication du texte du traité de paix et se poursuit jusqu’au lendemain de sa signature, le 10 février 1947, de son approbation par l’Assemblée Nationale Constituante italienne, le 31 juillet 1947 et de sa ratification à Paris par l’ambassadeur Pietro Quaroni, le 15 septembre 1947. Le 12 octobre, jour du référendum peut être considéré comme la dernière date avant le règlement de la question.

45Les sentiments qui dominent cette longue période ce sont l’amertume et la rancœur envers les Alliés, mais surtout envers la France, avec des réactions, qui témoignent de la conviction de la majorité des Italiens d’avoir été “l’Italie dupe” des promesses fallacieuses des Alliés, de la cobelligérante et surtout de la malveillance de la France.

46A travers cette analyse, dont les citations risqueraient d’être fastidieuses, nous observons la confusion extrême des positions. Les partis et les journaux apparaissent dominés par des éléments divers et souvent peu cohérents. Toutefois, dans cette période, le grand péril politique que ces polémiques entraînent est mis en évidence par plusieurs observateurs : il s’agit d’un coté de ne pas retomber dans une position nationaliste ou chauvine, et de l’autre de ne pas compromettre par des polémiques stériles l’avenir des relations entre la France et l’Italie qui“doivent” s’inscrire désormais, non pas dans un rapport bilatéral, mais dans le grand espoir d’union européenne.

47Voilà le dilemme des positions italiennes que certains hommes politiques risquent de transformer en prémisses de crise permanente entre Paris et Rome. C’est le cas de certains Brisgasques et Tendasques tels Aldo Ruffi et Guido Alberti qui se“réfugient” en Italie en proclamant leur volonté de lutter contre les décisions du traité et qui créent des organisations de “profughi” des régions alpines cédées à la France.

48Enfin il est temps de donner quelques références sûres à nos considérations, références qui remontent certes à la période antérieure à la signature du traité de Paris, mais dont les conclusions nous offrent“à fortiori” des éléments intéressants pour juger l’affaire dans son ampleur.

49Dans l’analyse de l’opinion publique italienne à propos de la question de la Brigue et de Tende, il manque souvent les éléments quantitatifs qui mesurent son impact réel sur les sentiments et les attentes des Italiens. Pourtant, dans le cadre général des problèmes italiens, les échos de la perte des régions alpines furent très modestes. Si le problème entraîne un certain débat, il serait faux de dire que la perte des territoires alpins fut ressentie comme“la” question du traité de paix.

50Nous avons étudié les positions officielles avec l’intervention majeure, de Giuseppe Saragat à Paris, le 28 août 1946, et les débats de l’Assemblée Constituante italienne du 24 au 31 juillet 1947, sur la ratification du traité qui sont des éléments d’un grand intérêt pour suivre la question au niveau parlementaire même s’ils apparaissent parfois comme une simple joute entre des partis ou des hommes politiques.

51Sur le plan de l’opinion publique nous pouvons toutefois nous prévaloir d’éléments “objectifs”. Nous avons eu accès à un sondage qui évoque le problème des pertes territoriales de l’Italie et leurs effets sur la population italienne. Les pertes considérées par ce sondage sont celles des trois“mutilations” territoriales à savoir, la Brigue, Tende et Moncenisio, la Vénétie Julienne, et les colonies. Et les trois tableaux de l’enquête nous indiquent des réponses selon les grandes répartitions géographiques de l’Italie, selon les professions des personnes interrogées et enfin selon leurs orientations politique d’après leur lecture de journaux.

Tableau I : Selon les grandes répartitions géographiques de l’Italie


Italie

Nord

Centre

Sud

Iles

La Brigue, Tende et Montcenis

14

18

13

9

11

Vénétie Julienne

54

52

59

58

49

Colonies

18

14

15

22

28

Ne sait pas

14

16

13

11

12

Tableau II : Selon les professions


Employeurs

Agriculteurs

Ouvriers agricoles

Artisans

Ouvriers

Employés

Professions libérales

Sans profession

La Brigue, Tende et Montcenis

19

14

13

14

16

10

8

13

Vénétie Julienne

59

45

44

55

50

69

60

59

Colonies

20

22

25

22

17

15

23

15

Ne sait pas

2

19

18

9

17

6

9

13

Tableau III : Selon l’orientation politique des journaux lus


Démocrates-Chrétiens

Socialistes

Communistes

Autres partis

Indépendants

La Brigue, Tende et Montcenis

9

27

28

11

14

Vénétie Julienne

62

46

30

58

62

Colonies

19

19

25

22

15

Ne sait pas

10

8

17

9

9

52Ces chiffres et ces pourcentages permettent de dégager des conclusions relativement sûres car le sondage a été effectué en octobre 1946 par la DOXA qui est l’institut d’étude de l’opinion publique italienne le plus valable et dont les données ont été, et sont, souvent considérées par tout chercheur comme fiables.

53Nous observons que, excepté dans trois cas, la perte de la frontière alpine vient en dernière position dans les préoccupations des Italiens ; il semble donc que l’émotion et la passion souvent évoquées sont en réalité très faibles.

54Le premier cas se réfère à l’enquête du premier tableau où, dans le Nord de l’Italie, la question suscite 18% des réponses et donc dépasse le chiffre attribué à la perte des colonies qui est 14% et vient loin derrière la perte de la Vénétie Julienne qui suscite 52% des pourcentages.

55Le deuxième cas est celui relatif au Tableau III où les socialistes donnent 27% des voix à notre question donc en deuxième place après la Vénétie Julienne (46%) et les colonies (19%).

56Enfin le troisième cas est celui des communistes qui montrent un intérêt exceptionnel, et même un peu suspect, pour la question avec 28% des options et seulement 30% pour la Vénétie Julienne et 25% pour les colonies.

57Pour le premier cas l’explication tient à la proximité, voire la connaissance des lieux cédés à la France et aussi à certaines considérations stratégiques : les militaires italiens ayant souligné que ces cessions “ouvraient toute grande la porte” à une éventuelle invasion par la France. Les socialistes de leur côté insistaient la conception de l’intérêt national à se défendre contre l’agression française qui suscitait bien sûr réserves et émotions. Les communistes enfin exagéraient leur opposition à la France pour des raisons politiques générales et considéraient les pertes alpines aussi néfastes que les pertes sur la frontière orientale.

58L’opinion publique italienne exprimait une “douleur” très modérée face à la rectification de la frontière alpine et ceci pour deux raisons :

  • Tout d’abord, il faut reconnaître que, par rapport aux autres amputations territoriales imposées à l’Italie par le traité de Paris, les rectifications de la frontière alpine restaient en définitive de modeste envergure. Il ne s’agissait que d’une population d’environ 4.500 personnes (2.547 à Tende et 1604 à La Brigue) et d’une superficie modeste, environ 580 kilomètres carrés. Sur le plan métropolitain le cas de la Vénétie Julienne apparaissait beaucoup plus important et donc s’imposait aux yeux des Italiens. En effet l’Italie devait par ce même traité renoncer à de plus vastes espaces à la frontière orientale en faveur de la Yougoslavie et cette perte concernait une population italienne d’environ 400.000 personnes.

  • En outre, et là réside la deuxième considération, pour les populations de La Brigue et de Tende les conditions politiques étaient beaucoup plus agréables que pour les populations orientales soumises à un régime communiste. Ces différences se traduisirent par des réactions diverses très nettes : la perte orientale amena l’émigration en Italie de quelques 350.000 réfugiés tandis que le nombre des réfugiés des pays alpins en Italie fut, selon des sources italiennes, d’environ 700 personnes dont une grande partie fonctionnaires d’Etat.

59Selon une autre source (française) il s’agissait seulement de 38 familles de fonctionnaires, 26 d’ouvriers de la CIELI, soit 285 personnes et seulement 9 familles originaires de Tende soit 24 personnes, donc au total 309 personnes (Isoart). Selon une autre source on pouvait encore diminuer ces chiffres en prenant comme point de repère les électeurs qui ne participèrent point au scrutin du 12 octobre 1947 ou ceux qui votèrent “Non”.

60Dans les cinq sièges (Tende, La Brigue, Libri, Piène et Mollières) nous avons ainsi 218 “Non” auquel nous pourrions ajouter les 137 électeurs qui ne prirent pas part au vote, ce qui donne le chiffre de 355 personnes ; avec les enfants le total théorique frise les 500 personnes qui pourraient être considérées comme probables réfugiés.

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Annexe

ANNEXE I
Sélection de la presse italienne à propos de La Brigue et Tende

Dans les références bibliographiques qui suivent nous n’avons pas l’ambition de donner un panorama complet des échos dans la presse italienne de l’époque de la question de la frontière occidentale. Nous avons choisi de donner la liste des articles qui expriment des positions intéressantes aussi bien par l’autorité de leurs auteurs, la portée de leurs conclusions et les conséquences pour l’Italie des événements évoqués.

ANNEE 1945

1 - M. Savorgnan, “La politica di grandezza della Francia e la pace europea”, in “Affari Internazionali”, 18 mai 1945
2 - “Nubi ad Occidente”, in “Il Popolo Sovrano”, 30/31 mai 1945
3 - Vittor, “Dalla Siria alla Riviera”, in “L’Italia Libera”, 13 juin 1945
4 - “Nei gruppi più audaci della Resistenza francese gli italiani erano sempre presenti”, in “L’Italia Libera”, 25 juin 1945.
5 - “Ritorni”, in “Il Popolo Sovrano”, 14/15 juillet 1945
6 - “Una festa”, in “Avanti”, 14 juillet 1945
7 - M. Borsa, “Gli altri e noi”, in “Corriere d’Informazione”, 14 août 1945
8 - “Molte menzogne sul Congresso di Parigi”, in “Avanti”, 21 août 1945
9 - “Italien e Francien”, in “Corriere d’Informazione”, 25 août 1945
10 - M. Borsa, “Contatto diretto”, in “Corriere d’Informazione”, 4 septembre 1945
11 - “Si parla di evoluzione della Francia verso l’Italia”, in “Unità”, 5  septembre 1945
12 - “Tra Italia e Francia”, in “Avanti”, 5 septembre 1945
13 - “Le richieste francesi all’Italia”, in “Avanti”, 13 septembre 1945
14 - “Si è iniziata a Londra la discussione della pace con l’Italia”, in “Corriere d’Informazione”, 13 septembre 1945
15 - P. Togliatti, “La pace con l’Italia”, in “Unità”, 14 septembre 1945
16 - “De Gasperi andrà a Londra”, in “Il Popolo”, 16 septembre 1945
17 - G. Gonella, “Primo bilancio”, in “Il Popolo”, 21 septembre 1945
18 - C. Rinaudo, “Qual’è la reale portata delle ‘modeste’ richieste dei francesi?”, in “Affari Internazionali”, 28 septembre 1945
19 - C. Rinaudo, “Appunti sulle ‘rettifiche’” in “Affari Internazionali”, 4 novembre 1945
20 - “Confini”, in “Affari Internazionali”, 18 novembre 1945
21 - G. Barbieri, “La revisione del confine occidentale”, in “Rivista di Studi Politici Internazionali”, décembre 1945

ANNEE 1946

1 - “La conferenza della pace a Parigi”, in “Corriere d’Informazione”, 4 janvier 1946
2 - “La conferenza della pace”, in “Avanti”, 5 janvier 1946
3 - B. Pagani, “La posizione della Francia”, in “L’Italia Libera”, 5 janvier 1946
4 - “Il primo trattato di pace sarà stipulato con l’Italia”, in “Corriere d’Informazione”, 6 janvier 1946
5 - L. Simoni, “Briga e Tenda”, in “Politica Estera”, 9 janvier 1946
6 - C. Russo, “Sorelle latine”, in “Corriere d’Informazione”, 18 janvier 1946
7 - “Da Tenda : attacco al sindaco”, in “Lotte Nuove”, 19 janvier 1946
8 - “Da Tenda : fasti e nefasti della luce elettrica”, in “Lotte Nuove”, 20 janvier 1946
9 - “Politica Estera”, in “La Libertà”, 23 janvier 1946
10 - “Sciocca francofilia”, in “Affari Internazionali”, 3 février 1946
11 - “Briga e Tenda alla Francia per sottaciute idee di indole strategica. Intervista all’on. Badini Confalonieri”, in “Il Subalpino”, 10 février 1946
12 - “La doccia scozzese della pace”, in “Avanti”, 15 février 1946
13 - F. Sacchi, “I confini con la Francia”, in “Relazioni Internazionali”, 15 février 1946
14 - “Un ordine del giorno della Deputazione provinciale per Briga e Tenda”, in “Il Subalpino”, 19 février 1946
15 - L. Campolonghi, “Cronache parigine”, in “L’Italia del Popolo”, 5 mars 1946
16 - C. Rinaudo,“Infondatezza delle richieste francesi”, in “Affari  Internazionali”, 10 mars 1946
17 - G. Gonellla, “Le menzogne dell’Humanité”, in “Il Popolo”, 20 mars 1946
18 - “Obiezioni inglesi e russe”, in “Il Popolo”, 22 mars 1946
19 - “Guardando ad Occidente”, in “Affari Internazionali”, 31 mars 1946
20 - “Per i comunisti italiani Trieste non é italiana”, in “Il Popolo”, 12 avril 1946
21 - “Più gravi le richieste francesui di quanto ci si aspettasse”, in  “Avanti”, 2 mai 1946
22 - “Italia e Francia”, in “Avanti”, 2 mai 1946
23 - V. G. Rossi, “Perché la Francia vuole l’alta valle della Roja”, in “Corriere della Sera”, 2 giugno 1946
24 - V. G. Rosi, “Un dito di ruggine fra Italia e Francia”, in “Corriere della Sera”, 8 juin 1946
25 - N. S. Jucker, “Tenda, Briga e altre cose”, in “Italiani nel mondo”, 25 juin 1946
26 - “L’on. Brusasca ospite della nostra Provincia. A Briga e Tenda”, in “La Vedetta”, 26 juin 1946
27 - S. Giovaninetti, “Quelli della montagna sono chiusi nel loro dolore”, in “Il Popolo”, 29 juin 1946
28 - V. Roberti, “Sdegno e dolore in Val di Roja”, in “Il Tempo”, 29 juin 1946
29 - “Trattative diretta tra Italia e Francia”, in “Relazioni Internazionali”, 29 juin 1946
30 - G. Molino, “Il Tricolore d’Italia sventola in valle Roja : vecchi che piangono e giornalisti francesi che devono ritirarsi in buon ordine”, in “Il Subalpino”, 2 juillet 1946
31 - V. G. Rossi, “Silenzio a Briga e Tenda”, in “Corriere della Sera”, 3 juillet 1946
32 - “L’accorata voce della città dei sette assedi. Briga e Tenda sono e devono restare italiane!”, in “Il Subalpino”, 5 juillet 1946
33 - A. Bassignano, “Les affaires sont les affaires. Regali della sorella latina”, in “Il Subalpino”, 5 juillet 1946
34 - G. Campagno, “Il volto della pace”, in “La Vedetta”, 5 juillet 1946
35 - Comitato provinciale di solidarietà pro Briga e Tenda, “Briga e Tenda sono italiane”, in “La Vedetta”, 5 juillet 1946
36 - “Per Briga e Tenda”, in “Lotte Nuove”, 6 juillet 1946
37 - L. Silvestro, “Si vis pacem para pacem...”, in “La Guida”, 6 juillet 1946
38 - “Il Roja mormorò : Non passa lo straniero! La manifestazione di solidarietà con le cittadine di Briga e Tenda”, in “Il Subalpino”, 9 juillet 1946
39 - G. Gonella, “Non dimentichi Signor Bidault”, in “Il Popolo”, 10 juillet 1946
40 - “L’anima di Cuneo è solidale con le popolazioni di Briga e di Tenda”, in “La Vedetta”, 12 juillet 1946
41 - “Manifestazione di solidarietà per Briga e Tenda”, in “La Guida”, 13 juillet 1946
42 - “Cuneo e Provincia per Briga e Tenda”, in “Lotte Nuove”, 13 juillet 1946
43 - F. Burzio, “Ancora una conferenza”, in “La Nuova Stampa”, 30 juillet 1946
44 - G. Andreotti, “Scontro di potenze”, in “Il Popolo”, 30 juillet 1946
45 - M. Borsa, “Noi e i Ventuno”, in “Nuovo Corriere della Sera”, 30 juillet 1946
46 - L. Bima, “A Tenda in un clima di passione”, in “La Vedetta”, 2 août 1946
47 - “Briga e Tenda e il resto della provincia”, in “Il Subalpino”, 6 août 1946
48 - G. Briasca, “Ai francesi”, in “Il Popolo”, 30 août 1946
49 - V. Cecchini, “Accomodanti Belgio e Francia”, in “Il Popolo”, 9 octobre 1946
50 - L. Cavallo, “Spaak chiede per noi una pace mite. Bevin risponde con un aspro rifiuto”, in “Unità”, 9 octobre 1946
51 - A. Bogardo, “E il trattato ?”, in “Avanti”, 13 octobre 1946
52 - P. Togliatti, “Per l’Italia e per la pace”, in “Unità”, 17 novembre 1946
53 - G. Giannini, “Politica della folla”, in “L’Uomo Qualunque”, 4  décembre 1946

ANNEE 1947

1 - U. Monico, “Catene ribadire ed equilibrio mediterraneo”, in  “L’Uomo Qualunque”, 15 janvier 1947
2 - “Francia e Italia : nuove speranze”, in “Affari Internazionali”, 1° février 1947
3 - P. Bondioli, “Fatica sprecata”, in “Il Popolo”, 12 février 1947
4 - G. Baldacci, “Italia e Francia”, in “Corriere della Sera”, 13 février 1947
5 - L. U. Merenda, “Ironia del nostro trattato. La Francia non potrà utilizzare gli impianti di Briga e di Tenda”, in “Corriere  d’Informazione”, 19-20 février 1947
6 - “Appello alla popolazione italiana della Valle Roja”, in “Italiani nel Mondo”, 22 febbraio 1947
7 - “Abbiamo fede nella vitalità della nostra stirpe”, in “Italiani nel Mondo”, 25 février 1947
8 - E. Corradi, “‘Quelli là’ verranno, ma non tutti li aspettano”, in  “Corriere della Sera”, 7 mars 1947
9 - N. Rodolico, “I nuovi confini d’ Italia”, in “Nuova Antologia”, mai 1947
10 - A. Pellegrini, “I francesi ci sono amici”, in “Il Popolo”, 26 juin 1947
11 - “Appello alla Costituente degli abitanti di Briga e Tenda”, in  “Corriere della Sera”, 1° juillet 1947
12 - C. Merzagora, “Sul terreno delle intese”, in “Corriere della Sera”, 13 août 1947
13 - “Gli abitanti dell’Alta Roja chiederanno l’intervento dell’ONU”, in “Corriere della Sera”, 12 septembre 1947
14 - “A Briga e a Tenda i gendarmi francesi”, in “Corriere della Sera”, 16 septembre 1947
15 - S. Volta, “Prima amara giornata di Briga e Tenda francesi”, in “Corriere della Sera”, 17 septembre 1947
16 - E. Pisoni, “Unione latina per l’unione europea”, in “L’Italia”, 19 septembre 1947
17 - “I tre osservatori neutrali per il plebiscito a Tenda e a Briga”, in “Corriere della Sera”, 24 septembre 1947
18 - “I registri di stato civile manomessi a Briga e a Tenda”, in “Italiani nel Mondo”, 25 septembre 1947
19 - “Il discorso di De Gasperi”, in “Italiani nel Mondo”, 25 septembre 1947
20 - “Il destino delle regioni annesse alla Francia”, in “Corriere della Sera”, 30 septembre 1947
21 - “Ratifiche del trattato di pace con l’Italia”, in “Relazioni  Internazionali”, n°. 26, 1947
22 - P. Saisi, “Art. 27 della Costituzione o Carta Atlantica ?”, in “Affari Internazionali”, n°. 27, 1947
23 - “Oggi plebiscito a Briga e a Tenda”, in “Corriere della Sera”, 12 octobre 1947
24 - A. Pellegrini, “La Francia e il trattato italiano”, in “Relazioni  Internazionali”, n°. 26, 1947

ANNEXE II

Caricature de Guareschi (?) publiée par le journal “Curieux” du 18 juillet 1946 dans l’article de G. Bianchi, “Le point de vue italien”. La caricature présente la cession de La Brigue et de Tende à la France comme un “coup de poignard” dans le dos de l’Italie et elle ajoute comme légende : “Nous sommes quittes”, à cette différence près que l’autre “coup de poignard” de 1940 lui paraît moins monstrueux.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Romain H. Rainero , « L’opinion publique italienne et l’annexion de La Brigue et de Tende à la France », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 62 | 2001, mis en ligne le 15 février 2004, Consulté le 29 janvier 2013. URL : http://cdlm.revues.org/index62.html

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Auteur

Romain H. Rainero

Université de Milan

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L'aigle du St Empire Germanique
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Intervention de Michel Bouvard

Séance du 11 octobre 2007 à 15h00
Accord france-italie relatif au tunnel routier de tende — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

Le Comité de massif des Alpes, que j'ai l'honneur de coprésider avec le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, coordinateur de massif pour le compte de l'État, a approuvé à l'unanimité, il y a maintenant un an et demi, un schéma interrégional de massif arrêtant les priorités en matière d'infrastructures.

La mise à niveau des infrastructures existantes doit tout d'abord s'accompagner d'une maîtrise du trafic des poids lourds. De ce point de vue, je partage totalement les recommandations faites par Jean-Claude Guibal : la mise au gabarit en matière de sécurité et la modernisation d'une infrastructure ne doivent pas se traduire par une augmentation du trafic de poids lourds. Cela est vrai pour les grands cols alpins et les itinéraires des Alpes du Sud, mais cette remarque vaut également pour le col du Mont-Cenis en Savoie.

Cette modernisation des infrastructures doit se poursuivre par la réalisation attendue de la galerie de sécurité du tunnel du Fréjus, qui doit nous mettre à l'abri d'un accident similaire à celui que nous avons malheureusement connu il y a un peu plus de deux ans et qui a coûté la vie à trois personnes ; elle doit surtout aboutir au basculement des flux vers le trafic ferroviaire : rappelons qu'en 1970, les trois quarts du trafic de marchandises entre la France et l'Italie empruntaient le rail alors qu'aujourd'hui les deux tiers passent par la route !

Cette affaire relève des compétences du ministère des affaires étrangères à plusieurs titres. Pour commencer, la parcellisation actuelle des compétences entre les différentes commissions intergouvernementales, sans coordination systématique entre ces CIG, constitue un sérieux handicap en ce qu'elle ne nous permet pas de vision globale des transports alpins. En effet, outre la CIG pour les Alpes du Sud – la dernière en date, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État –, il en existe une pour le tunnel du Mont-Blanc, une autre pour le tunnel du Fréjus, une enfin pour le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis : nous en sommes à quatre structures intergouvernementales consacrées aux problèmes de sécurité et de gestion des flux dans un seul massif, alors que toute décision prise à un endroit a des répercussions sur tout le reste du secteur. C'est pourquoi les élus du massif alpin souhaitent aujourd'hui une coordination du travail de l'ensemble des CIG, à tout le moins une simplification de ces structures.

Le projet ferroviaire Lyon-Turin, très attendu, concerne également votre ministère. Notre collègue Alain Bocquet en a rappelé le cheminement. Des avancées importantes ont eu lieu, à l'initiative du Gouvernement : je pense notamment à la décision de demander à l'Union européenne de contribuer à hauteur de 725 millions d'euros à la réalisation du tunnel de base. Les autorités européennes auraient accepté, si j'en crois les propos tenus au président du conseil italien Romano Prodi par le président de la Commission européenne la semaine dernière.

Mais l'intervention de l'Union européenne ne réglera pas tous les problèmes : il restera à trouver le financement des contreparties nationales, à désigner un opérateur et sans doute à monter un partenariat public-privé. Mais ce qui importe dans l'immédiat, madame la secrétaire d'État, c'est de graver dans le marbre et de ratifier le mémorandum d'entente franco-italien signé entre nos deux pays à l'initiative de la CIG, et qui répartit les financements du tunnel de base à hauteur de 37 % pour la partie française et de 63 % pour la partie italienne. Cela suppose de négocier un avenant au traité de Turin signé en 2001 et ratifié par les Parlements français et italien. Nous souhaitons que cette démarche puisse être proposée au prochain sommet franco-italien.

Est également posée la question de l'autoroute ferroviaire alpine expérimentale. Sa mise en service, dans un délai de dix-huit à vingt mois, suppose l'achèvement des travaux de modernisation du tunnel historique du Mont-Cenis. Ce tunnel, dont la construction a été décidée en 1853 et dont on a fêté au mois d'août le cent cinquantième anniversaire des premiers travaux, doit être agrandi au gabarit B 1 afin de permettre un meilleur transfert du trafic de poids lourds vers le rail. Cela suppose la réalisation dans l'est lyonnais d'une nouvelle plate-forme de chargement complétant celle d'Aiton-Bourgneuf dans la vallée de la Maurienne et le Val Gelon. Il importe que cette démarche soit engagée, et que nous puissions établir avec notre partenaire italien de nouvelles relations pour améliorer le débit et la compétitivité de l'autoroute ferroviaire alpine, dont la phase d'expérimentation va s'achever au cours de l'année 2008.

Ces exemples vous montrent combien les attentes sont nombreuses à l'égard du ministère des affaires étrangères et du Gouvernement dans son ensemble. Les problématique des transports dans le massif alpin tient d'abord, je le répète, à la fragilité des échanges actuels. Elle impose ensuite qu'on anticipe l'évolution des trafics. Mais les problèmes sont également d'ordre environnemental, dès lors que les deux principaux tunnels routiers qui concentrent une grande partie des flux, le tunnel du Mont-Blanc ou celui du Fréjus, traversent des sites aussi remarquables que le Mont-Blanc ou le parc national de la Vanoise en France et le parc national du Grand Paradis en Italie pour le second.

Le littoral lui-même souffre d'un accroissement régulier du trafic de poids lourds, qui devient insupportable pour les populations riveraines et dont la cause tient précisément aux normes et réglementations nouvelles que nous avons édictées en matière de sécurité pour le tunnel du Mont-Blanc et celui du Fréjus… Cet exemple prouve la nécessité d'une vision globale en la matière : les nouveaux dispositifs de sécurité accroissant les délais de transit par les tunnels, les camions se reportent sur le littoral – entre Barcelone et Milan, qu'on passe par le littoral ou par les grands tunnels alpins, la différence est seulement d'un quart d'heure.

Tels sont, madame la secrétaire d'État, les quelques éléments dont je souhaitais faire part à l'occasion de la discussion de ce projet de ratification de l'accord relatif au tunnel de Tende. Cette préoccupation est bien évidemment celle des députés du groupe UMP, et au-delà de l'ensemble de la population et des élus du massif alpin, qui se sont engagés sur les priorités : modernisation des infrastructures existantes, puis réalisation de la liaison Lyon-Turin. C'est pourquoi nous espérons que le Gouvernement nous entendra et que, au-delà de cet accord, la négociation d'un avenant au traité franco-italien sera engagée dans les meilleurs délais. En attendant, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire apporte un soutien total à cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)