"HISTOIRE BREVE DE L'ORDRE DU SAINT SÉPULCRE DE JÉRUSALEM." (Extraite du) "MEMENTO DU CHEVALIER DE L'ORDRE DU SAINT-SÉPULCRE DE JÉRUSALEM"
sous la direction d'André Damien, membre de l'Institut Réf. MCSS, 2003, 17 x 25, 196 p., 18 € Ce
Vade Mecum du chevalier de l'ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, l'un
des deux seuls vrais ordres de chevalerie catholique reconnu en France,
se présente comme un livre à plusieurs entrées ; y sont traitées, entre
autres : l'histoire de l'ordre, la question du statut des lieux saints,
la position des chrétiens de terre sainte, les missions, la
spiritualité et l'appartenance à l'ordre aujourd'hui, les constitutions
et les rituels de l'ordre.
L'histoire de l'ordre du
Saint-Sépulcre que l'on a paré des fastes d'une haute antiquité est
l'histoire complexe d'une institution en constante mutation depuis le
XIIe siècle jusqu'en 1949. Les travaux sur l'ordre du Saint-Sépulcre
sont à leur début. Peu d'historiens ont été tentés par une étude
critique de ses origines et de son histoire antérieure à la
réorganisation par Pie IX en 1847 et 1868. Parmi les pionniers, il faut
citer Kaspar Elm et Jean-Pierre de Gennes.
1. Un ordre entouré de légendes.
1.1. Les fondateurs mythiques, Jacques le majeur, l'impératrice Hélène, Charlemagne.
L'homme
du XVIe siècle a besoin d'enraciner son histoire dans une tradition
séculaire. C'est ainsi que les historiographes et laudateurs de l'Ordre
ont voulu, alors, lui trouver d'illustres fondateurs, pour prouver son
antiquité d'un ordre qui le rattacherait plus directement à l'insigne
relique qu'est le tombeau du Christ. Trois personnages incontournables
sont nommés, l'apôtre Jacques, l'impératrice Hélène et l'empereur
Charlemagne. Jacques le majeur, celui que les Évangiles appellent le
frère du Seigneur, devient après la mort de Jésus, le responsable de la
communauté chrétienne de Jérusalem dont il est considéré comme le
premier " évêque ". Rien de plus naturel à ce qu'on lui attribue la
désignation d'une efficace garde d'honneur pour le tombeau ; c'est
ainsi que les chanoinesses du Saint-Sépulcre le tiennent pour leur
fondateur. L'impératrice Hélène, mère de Constantin, séjourne à
Jérusalem en 326 avant de se retirer en Bithynie. La tradition
l'associe à la construction de la grande basilique constantinienne et à
la découverte de la vraie croix ; cet intérêt pour le Saint-Sépulcre la
fait tout naturellement désigner comme fondatrice de l'ordre par les
chevaliers du XVIe siècle. Elle est d'ailleurs fréquemment représentée
en costume de chanoinesse du Saint-Sépulcre. L'ordre se place aussi
sous l'ombre protectrice du grand empereur d'Occident, Charlemagne qui
envoie deux brillantes ambassades auprès du calife de Bagdad
aboutissant au protectorat franc sur la Terre sainte. Une chanson de
geste, moins connue que celle de Roland, La geste du roi, narre ses
aventures légendaires en Méditerranée et son pèlerinage à Jérusalem. Il
ne faut qu'un pas pour le désigner également comme fondateur de l'Ordre.
1.2. Godefroy de Bouillon et les gardiens du sépulcre.
L'attribution
de la fondation de l'Ordre à Godefroy de Bouillon est plus proche de la
réalité. On sait que le duc, dès son installation dans Jérusalem
délivrée, désire structurer la vie spirituelle organisée autour du
sépulcre. Il en confie la garde et l'entretien à vingt clercs, formant
un chapitre qu'il dote amplement et dont les membres vivent en
communauté comme leurs confrères européens. Vers 1114, ils adoptent la
règle dite de saint Augustin qui est une règle de vie commune assez
simple que l'on retrouve un peu partout en Europe. Ce chapitre assure
la vie du sanctuaire et la prière quotidienne pendant toute la durée du
royaume franc. Entre 1187 et 1244, il se replie à Tyr puis à Acre avant
de revenir à Jérusalem à la faveur du traité de Jaffa, jusqu'à la perte
finale du royaume en 1291. On sait également qu'une fraternité d'hommes
et de femmes que l'on pourrait comparer à un tiers ordre vit tout près
du Sépulcre et assistent aux offices canoniaux. A ce groupe
s'incorporent, de manière plus ou moins formelle, d'anciens croisés
retirés là pour y mener une vie de prière. La plupart de ces chevaliers
rejoignent après 1118, Hugues de Payns qui s'installe au Temple. Il y a
donc autour du Saint-Sépulcre, une importante vie liturgique où se
côtoient clercs et laïcs. Cependant les chanoines ne sont pas les
chevaliers ; jamais ils n'ont troqué l'aumusse pour la cote de maille
et l'épée comme on l'a trop souvent écrit. Lorsqu'il a fallu quitter
Jérusalem, ils sont partis sans se battre.
1.3. Une réalité : la noblesse européenne se fait adouber auprès du Tombeau.
Les
nobles croisés fixés dans le royaume latin de Jérusalem organisent un
système féodal calqué sur ce qui existe en Europe et en France plus
particulièrement, même type d'administration et mêmes règles de
conduite. Il est certain que l'adoubement liturgique est pratiqué dans
cette société comme elle l'est en Europe. Dès l'installation du royaume
franc, il est très vraisemblable que de jeunes nobles soient armés
chevalier dans l'église du Saint-Sépulcre, près du Tombeau. Cette
pratique a sa part dans l'installation de la " légende " d'un corps
armée gardien du Tombeau, alors que ce ne sont que des soldats nobles
adoubés pour le service des rois de Jérusalem et la défense du royaume.
La confusion que de nombreux historiens ont faite entre les différents
groupes de familiers du Saint-Sépulcre vivant près des chanoines et les
chevaliers adoubés sur le tombeau du Christ, leur a permis de désigner
Godefroy de Bouillon comme fondateur d'un ordre de chevalerie en vue
d'assurer la défense du Saint-Sépulcre qui d'ailleurs pendant cette
période n'est plus directement menacé. La confusion a été entretenue
par le souvenir des chevaliers adoubés auprès du sépulcre qui se
groupent en France en confrérie.
2. Trace de la chevalerie du Saint-Sépulcre en Europe après la perte des Lieux saints.
2.1. La custodie de Terre sainte et le contexte dévotionnel.
Vers
1333, alors que le royaume latin a disparu depuis une quarantaine
d'années, le Saint-Siège confie la Terre sainte et plus
particulièrement le Tombeau aux frères de la corde ou franciscains en
accord avec l'autorité musulmane. Le supérieur de la communauté prend
le nom de Père Custode, c'est à dire gardien. Les frères mineurs
encouragent le rite d'adoubement dans un lieu si auguste, pensant ainsi
sauvegarder le contenu spirituel et intrinsèquement chrétien de la
chevalerie. Pour bien réaliser l'importance de ce désir d'adoubement,
il faut évoquer le contexte dévotionnel. La dévotion à la Passion de
Jésus est depuis le IXe siècle au centre de la vie chrétienne. Le
terrain où se développe la chevalerie du Saint-Sépulcre est préparé et
entretenu par un fort courant dévotionnel multiple et convergent autour
des lieux saints et de la Passion du Christ. Le Moyen-Âge aura " la
passion de la Passion du Sauveur ". Cette compassion profonde à la
souffrance de Jésus est répandue par Bernard de Clairvaux puis par
François d'Assise dont les élans d'amour se manifestent par la
réception des stigmates.
Lorsque les occidentaux quittent la
Palestine, sachant que le pèlerinage sera désormais difficile, l'idée
germe de le substituer en créant les conditions d'un pèlerinage fictif.
Les franciscains établis à travers l'Europe sont les principaux acteurs
de cette nouvelle manière, toute mystique, de pèleriner. On propose un
pèlerinage intérieur en s'aidant de divers éléments : les reliques
de la Passion et les reconstitutions du Saint-Sépulcre. C'est également
l'apparition de la méditation de la Via crucis, le chemin de la croix
qui évoque la montée de Jésus vers le Calvaire. Méditation qui se
concrétise par l'élévation de sacri monti en Piémont, de calvaires
monumentaux en Provence et de Ölbergen en pays rhénans. Ce terrain
dévotionnel, entretenu à partir du XIVe siècle par les franciscains,
est particulièrement fécondé par les descendants de ceux qui naguère
ont séjourné et combattu pour la sauvegarde des lieux saints. Dans leur
cœur, reste ancrée une fidélité à la terre foulée par le Christ,
fidélité qu'ils transmettent à leurs enfants et à leurs proches.
2.3. L'Ordre canonial.
Les
chanoines du Saint-Sépulcre se retirent de Terre sainte, avec les
troupes ou ce qu'il en reste. Après la prise de Saint-Jean d'Acre par
les mamelouks du sultan Al-Malik-al-Ashraf Khalil, en 1291, ils
prennent pied en Ombrie, pays de saint François et s'installent dans
une de leur propriété, le couvent Saint-Luc de Pérouse. Le supérieur de
cette communauté se désigne comme Prieur de l'Ordre du Saint-Sépulcre.
Cet ordre canonial essaime ensuite dans toute l'Europe, jusqu'aux
confins des chrétientés latines de Slavonie, de Pologne et de Bohème.
En 1489, Innocent VIII décide la suppression de l'ordre canonial et
l'incorporation de ses biens à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem,
voulant ainsi unir toutes les forces vives contre l'Islam dans le
projet de croisade qu'il tenait à cœur depuis le début de son
pontificat. La décision du pape Cibo est confirmée par Jules II en 1505
et Pie IV en 1560. C'est ainsi que le grand-maître de l'Ordre de
Saint-Jean ajoute à ses titres celui du Saint-Sépulcre. Cependant la
décision papale est une demi-mesure car l'indépendance acquise par les
prieurés espagnols, siciliens et allemands les met à l'abri et évite
leur disparition. En outre, le décret papal ne vise que l'ordre
canonial, désigné comme militia et non les chevaliers adoubés auprès du
Sépulcre qui ne sont pas encore regroupés officiellement sous
l'appellation d'Ordre du Saint-Sépulcre.
2.3. Le pèlerinage continue, les adoubements aussi.
"
Bons chevaliers se font au Saint-Sépulcre de Notre Seigneur, par amour
et honneur de Lui ", écrit le chroniqueur Antoine de Sales (1390-1464).
Force est de constater que jusqu'à la fin du XVe siècle, un nombre
relativement important de pèlerins européens visitent les lieux saints
et bon nombre de jeunes nobles se font adouber auprès du Tombeau. Le
désir du voyage vers Jérusalem, pèlerinage par excellence, est
entretenu en Europe par l'exaltation de l'idéal chevaleresque et le
contexte dévotionnel décrit plus haut. Le souvenir des croisades est
perpétué par les chroniques. Richard-cœur-de-lion et saint Louis de
France sont autant de modèles que l'on donne en exemple à la jeunesse.
Le rituel d'adoubement est bien établi. La chevalerie longtemps
conférée par des chevaliers de passage ou amenés dans la suite des
impétrants, trouve son expression en la personne d'un noble croisé
retiré à Jérusalem, Jean de Prusse, frère-lai et procurateur des frères
mineurs.
2.4. La confrérie royale française.
De retour en
Europe, les pèlerins de Terre sainte se groupent en confrérie afin de
rester en lien spirituel avec la Palestine. Parmi les plus anciennes,
il faut noter celle de Saragosse. Par ailleurs, une tradition sans
fondement, attribue à saint Louis l'établissement en 1254, de la
confrérie royale du Saint-Sépulcre pour les chevaliers français et son
installation à la Sainte-Chapelle. En fait, la confrérie est établie en
1325 par Louis de Bourbon, petit-fils de saint Louis dans une église
élevée dans la rue Saint-Denis, connue depuis sous le vocable d'église
du Saint-Sépulcre. La première pierre est posée par l'archevêque
d'Auch, Guillaume en présence de la veuve du Hutin, Clémence de
Hongrie. Les statuts sont établis en 1329 avec l'approbation du roi
Philippe VI. Le prince de Bourbon, armé chevalier à Jérusalem y adjoint
un hôpital pour les pèlerins. L'institution hospitalière décline dès le
XVe siècle et la confrérie de la rue Saint-Denis se transporte sur la
rive droite de la Seine, auprès de l'église conventuelle des Cordeliers
où elle est officiellement reçue en 1555. La confrérie rassemble
indifféremment les chevaliers adoubés au Saint-Sépulcre et les pèlerins
revenant de Terre sainte.
3. Alexandre VI crée l'ordre " moderne ".
3.1. L’Ordre du Saint-Sépulcre est désigné comme tel.
Jean
de Prusse meurt, en 1498 ou 1499, ne laissant personne pour lui
succéder dans sa fonction de collateur. Pour pallier cette absence et
satisfaire les nobles pèlerins, le père custode obtient du Saint-Siège,
vraisemblablement d'Alexandre VI Borgia (1492-1503), les pouvoirs de
conférer la chevalerie sur le Tombeau du Christ. La décision
d'Alexandre VI est verbale ; elle est par la suite confirmée par
plusieurs papes au cours du XVIe siècle, verbalement par Léon X en 1516
et Clément VII en 1525, puis par bulle de Pie IV en 1561. Léon X donne
au custode la permission de créer ou d'ordonner des chevaliers du
Saint-Sépulcre. L'ordre est donc né officiellement en 1561.
C'est
en ce début du XVIe siècle que sont forgées de toute pièce, la Charte
de l'institution de la chevalerie du Saint-Sépulcre de Jérusalem, daté
du 1er janvier 1099 et la Charte de Baudouin, donnant à l'Ordre ses
lettres de noblesse et une antiquité nécessaire à sa notoriété. La
charte est déposée officiellement au Saint-Sépulcre, par l'ambassadeur
du roi de France, Gabriel d'Aramon de Valabrègue, tandis qu'une copie
authentique, conservée aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de
France, est remise au trésor de l'église du Saint-Sépulcre de Paris.
3.2. Les admissions, les lettres.
Dès
le début du XVIe siècle, les conditions d'admission sont clairement
établies selon trois critères, la religion, l'état des personnes et la
situation sociale. Les franciscains s'enquièrent de la " pureté de la
foi " des candidats. Le caractère même de l'Ordre fait qu'il est
sollicité par des chrétiens attachés à la Terre sainte. L'appartenance
à la religion réformée pose quelques cas de conscience : malgré le
désir d'être adoubé peut-on appartenir à un ordre inféodé au pape,
peut-on appartenir à un ordre sans assister à la messe
catholique ? Certains réformés renoncent à l'adoubement, d'autres
tel Jean Wormser, sont dispensés d'assister à la liturgie
eucharistique. L'appartenance au rite latin n'est pas strictement
requise. L'ordre n'est pas réservé aux laïcs, bien qu'ils soient les
plus nombreux. Dès le début du XVIe siècle, des ecclésiastiques
obtiennent la chevalerie, tel Jean van Scorel, chanoine d'Utrecht,
nommé en 1521. Après lui, de nombreux hommes d'Église, pour la plupart
des membres du haut clergé, sont reçus dans l'Ordre. La situation
sociale a également de l'importance; la chevalerie, sauf quelques cas
exceptionnels, est réservée à la noblesse. Les preuves sont demandées
dès le XIVe siècle. Les papes ont toujours eu le souci de ne pas
dévaloriser l'état de chevalier en abaissant le niveau de recrutement.
Urbain VIII le rappelle en 1642. Cependant, au cours du XVIIIe siècle,
devant le manque d'intérêt des aristocrates pour un tel engagement,
l'accès est ouvert aux roturiers de qualité, la qualité de cœur et les
vertus chrétiennes pouvant suppléer au défaut de la noblesse de
naissance. Le texte de Benoît XIV ne fait pas mention de la qualité de
gentilhomme pour recevoir la chevalerie du Saint-Sépulcre; le candidat
est d'ailleurs cru sur l'honneur, aucune preuve ne lui est demandée.
3.3. Les insignes.
A
son retour en Europe, le chevalier jouit de plusieurs privilèges
consignés par le Custode Boniface de Raguse, en 1553, mais certainement
antérieurs. En particulier, il a le droit de porter des habits de soie
et de velours, alors très strictement réglementés. Il passe au cou une
chaîne ou un ruban noir soutenant la croix potencée cantonnée de quatre
croisettes. Le choix de la croix potencée est en lien avec la croix
héraldique des rois de Jérusalem. On connaît des exemplaires de cette
croix depuis le début du XVIe siècle, en particulier celle qui sert à
l'adoubement à Jérusalem, conservée chez les franciscains de la
Custodie, et celles conservées dans la collection Neuville. Il faut
noter que la croix n'est pas celle que les chanoines portent cousue sur
leur habit, qui est une croix à double traverse, aujourd'hui appelée
croix de Lorraine. Cette différence d'insigne marque bien la
différenciation dès l'origine, des chanoines et des chevaliers.
Le
blanc manteau apparaît tardivement; On connaît quelques portraits du
XVIe siècle représentant des chevaliers ainsi vêtus, notamment le
double portrait d'Antonio Moro conservé au Musée des Beaux-Arts de
Berlin. Giovanni Paoli Pesenti dit avoir reçu en 1613, l'habit blanc
avec les cinq croix rouges. Le seul manteau blanc timbré de la croix
rouge connu est celui du chevalier Jacob Trapp, daté de vers 1561 et
conservé au château de Churburg, en Autriche. La couleur blanche du
manteau porté par quelques chevaliers du XVIe siècle est à mettre en
rapport avec la couleur du linceul.
3.4. Essais de grande-maîtrise, Philippe II et Nevers.
L'ordre
dans son désir de structure et de recherche de notoriété, connaît deux
essais de grande-maîtrise. Sous l'instigation d'un chevalier flamand,
Pierre de Carate, Jules III (1550-1555) approuve, par bulle, la
création d'une confrérie espagnole. En mars 1558, plusieurs chevaliers
flamands réunis en chapitre décident la transformation de la confrérie
en un ordre de chevalerie et demandent au roi d'Espagne, Philippe II
d'en assumer la grande maîtrise. Le roi d'Espagne, n'abandonnant pas le
projet d'une éventuelle croisade, accepte cet honneur sous réserve de
l'approbation du souverain pontife. Paul IV meurt en 1559 avant de
donner son accord. Son successeur Pie IV est peu empressé à le
satisfaire d'autant que les chevaliers de Saint-Jean y voient une
démarche concurrente. Finalement, la transformation escomptée ne se
fait pas. Vers 1615, le duc de Nevers, Charles de Gonzague, devenu
français par son mariage avec Henriette de Clèves, est sollicité par
quatre chevaliers français pour devenir grand-maître de l'Ordre. Étant
ambassadeur du roi de France à Rome, il demande à Paul V (1605-1621)
une bulle de reconnaissance. Ce prince, qui n'est pas chevalier du
Saint-Sépulcre accepte bien rapidement un tel honneur sans que l'on en
connaisse la raison mais le Saint-Siège ne répond pas davantage à sa
requête d'autant que le jeune Louis XIII, pressé par l'Ordre de Malte,
ne soutient pas ce projet.
3.5. Grandeurs et servitudes.
Au
début du XVIIe siècle, il faut bien constater une désaffection de la
noblesse pour les grands projets pontificaux concernant la Croisade. Le
développement du pèlerinage virtuel rend moins indispensable le voyage
qui reste dangereux et coûteux. Pour palier cet inconvénient, on
institue la chevalerie par procuration dont un cas est avéré dès 1621.
Sous Louis XIII, la politique royale en Orient redonne à l'ordre un
regain de notoriété. Le traité d'amitié signé au nom du roi par Jean de
la Foret avec Soliman ouvre de nouveau la route de Jérusalem, route
spirituelle mais aussi route commerciale. Par la suite, les
Capitulations accordées par les sultans permettent la libre circulation
vers la Terre sainte et le séjour de religieux français auprès des
sanctuaires vénérés de Jérusalem et de Bethléem. Le père custode
continue de recevoir dans l'Ordre les pèlerins nobles ou de qualité qui
en font la demande. Quant à la confrérie parisienne, elle jouit de la
protection des rois de France. Louis XIV, par acte formel du 16 mai
1700, veille à sa bonne renommée et au recrutement de ses membres ; en
1700, elle devient archiconfrérie. Louis XV renouvelle la protection
royale en 1721 et Benoît XIII approuve les 31 articles de ses statuts
renouvelés, " remarquable règlement si complet, si prévoyant, si sage
qui fait autant honneur à ceux qui l'ont conçu qu'à la confrérie qui
eut la prudence de se l'imposer ". On compte deux catégories de
confrères, d'une part, ceux qui ont fait le pèlerinage en Terre sainte,
nommés palmiers à cause de la palme qu'ils rapportent de Jérusalem,
parmi lesquels se distinguent les chevaliers qui ont été adoubés sur le
Saint-Sépulcre et, d'autre part, les confrères de dévotion, qui n'ont
pu faire le voyage en Terre sainte mais ne sont pas moins des dévots du
tombeau du Christ.
3.6. L'Ordre royal. En 1769,
l'archiconfrérie française se transforme en " Ordre royal et
archiconfrérie des Chevaliers, Palmiers, Voyageurs et confrères de
dévotion du Saint-Sépulcre de Jérusalem ", sans que l'on sache qui sont
les initiateurs de cette mutation. L'Abrégé des règlements, publié en
1771, met l'accent sur le caractère français de l'ordre, tout comme son
fondateur supposé Godefroy de Bouillon. Louis XVI n'entérine pas
formellement cette transformation mais ne l'interdit pas non plus. En
1776, le dit ordre royal publie ses statuts précédés des deux
pseudo-lettres de fondation et d'une liste de chevaliers et suivi d'une
importante bibliographie de 122 numéros. En frontispice de l'ouvrage
sont gravées deux croix, la croix de l'ordre hospitalier et militaire
du Saint-Sépulcre de Jérusalem, et la croix des confrères de dévotion
du Saint-Sépulcre de Jérusalem à Paris, illustrant bien les deux
catégories de membres. Cette publication entretient volontairement une
confusion entre l'archiconfrérie, les chanoines et l'ordre royal en
publiant également aux premières pages les ordonnances de fondation et
de restauration de l'Ordre hospitalier et militaire du Saint-Sépulcre
par Louis VII, vers l'année 1149. Cette mutation est bien symptomatique
de la fin du règne de Louis XV et des débuts de celui de Louis XVI.
Elle participe d'une double tentation, celle de l'émancipation de la
custodie de Terre sainte, si lointaine, et du Saint-Siège, dans un
contexte de fort gallicanisme, et celle d'une assimilation à un ordre
royal, à une époque marquée par un goût accru pour les croix d'honneur
; ce dont atteste de façon significative la forme même de l'insigne.
L'archiconfrérie se maintient jusqu'au 1er août 1791; elle est
juridiquement dissoute par le décret du 18 août 1792 qui abolit les
ordres religieux.
Les anciens confrères du Saint-Sépulcre ayant
survécu à la Révolution n'obtiennent rien de l'administration
napoléonienne. Dès le retour des Bourbons, en 1814, deux hommes
essaient de redonner vie à l'ancienne fondation, le comte Allemand,
grand officier de la Légion d'Honneur et l'abbé Lacombe de Crouzet,
ancien supérieur du couvent des Cordeliers. Louis XVIII approuve le
nouveau modèle de décoration et le comte d'Artois, futur Charles X,
accepte la grande maîtrise de l'ancienne archiconfrérie qui tente de se
transformer, comme en 1769, en un ordre de chevalerie que l'on
obtiendra non plus en Terre sainte mais à Paris. Une supplique est
adressée à Louis XVIII pour fixer le siège à la Sainte-Chapelle ; le
roi nomme l'abbé de la Bouillerie commissaire de
l'ordre-archiconfrérie. A la suite de dissension entre le comte
Allemand et l'abbé Lacombe, une section dissidente se forme, fidèle à
Allemand et à son successeur le baron Lainé reçu lui-même chevalier par
le Custode en avril 1821. Le siège de cette archiconfrérie se fixe à
Saint-Leu-Saint-Gilles. La création de cet ordre royal du
Saint-Sépulcre et, sans doute, le nombre croissant des chevaliers reçus
à Paris, plus de 300 de 1814 à 1822, émeuvent le custode de Terre
sainte et les chevaliers ayant fait le pèlerinage à Jérusalem. Le 18
mars 1822, le custode Jean-Antoine de Rovigliano proteste et affirme
être le seul habilité à conférer l'Ordre du Saint-Sépulcre; Il est
appuyé par l'abbé Desmazure, chevalier et aumônier honoraire de
l'Ambassade de France à Constantinople et par François-René de
Chateaubriand, reçu chevalier à Jérusalem le 10 octobre 1806 et, alors,
ministre de Louis XVIII. Les démarches aboutissent à l'interdiction de
porter l'insigne de l'ordre royal, par ordonnance royale du 16 avril
1823. On comprend mal ce revirement de la position royale d'autant que
Lainé a été reçu chevalier non à Paris, mais par le custode de
Terre-Sainte. L'archiconfrérie disparaît en 1827. Les autres ordres
royaux hérités de l'ancien régime ne survivent pas à la chute de
Charles X.
4. La renaissance de l'Ordre au XIXe siècle.
4.
1. Dans les premières décennies du siècle, l'Europe se tourne de
nouveau vers l'Orient. La période romantique pose un regard nouveau sur
le moyen-âge. Ce n'est plus la période gothique et barbare méprisée par
les hommes des Lumières mais une époque de grandeur, solidement ancrée
dans la Foi. La jeunesse européenne dont l'esprit chevaleresque est
exalté par les romans de Walter Scott vibre pour l'Orient chrétien,
mystérieux et soufrant, écrasé sous le joug ottoman. Chateaubriand
narre avec enthousiasme le pèlerinage qu'il effectue en 1806 et donne
une description poignante de la réalité sordide de la vie des chrétiens
vivants en Terre sainte sous le Turc. Dans l'Itinéraire de Paris à
Jérusalem, publié en 1811, il décrit son adoubement et l'émotion qui
l'étreint lorsqu'il chausse les éperons qu'il croit être ceux de
Godefroy de Bouillon et qu'il sent la lame froide de son épée toucher
sa nuque. Il se sent français mais surtout, il se veut chrétien. Ses
lecteurs seront à leur tour émus, c'est le début de l'ère romantique.
Après lui, Lamartine chante dans le Voyage en Orient, la splendeur des
paysages bibliques, avec la mélancolie que lui inspire la mort de sa
fille Julia. Les peintres ont également une part dans le regain
d'intérêt pour cette partie du monde. David Roberts, Luigi Mayer et
William Henry Bartlett font revivre sous leurs pinceaux et par les
lithographies qu'ils éditent, les lieux et surtout les habitants saisis
dans leur sérénité et leur misère.
4. 2. Pie IX dès le début de
son pontificat a un grand souci de la Palestine, d'autant que l'empire
ottoman commence à vaciller. Alors qu'un évêque anglican est installé à
Jérusalem depuis 1842, le pape se rend compte qu'il faut unifier les
forces missionnaires au Proche-Orient, jusqu'alors divisées entre
diverses congrégations. Le 23 juillet 1847, par le bref Nulla
Celebrior, Pie IX rétablit le Patriarcat latin de Jérusalem et nomme
patriarche Mgr Giuseppe Valerga (1848-1872). Cette restauration,
quelques fois mal comprise, est une prise en compte par l'autorité
romaine de l'existence des catholiques de Palestine et le désir
d'assurer leur survie. A la lumière de ce qui s'est passé depuis, on
prend la mesure de la vision prophétique du bienheureux Pie IX.
Le
10 décembre 1847, une instruction de la sacrée Congrégation de la
Propagande précise que la nomination des chevaliers du Saint-Sépulcre
concerne désormais le patriarche de Jérusalem. Mgr Valerga avant de
prendre possession de son diocèse, commence, selon les instructions
papales, par se faire adouber chevalier du Saint-Sépulcre par le Père
gardien, Bernardin de Montefranco, jusqu'alors seul représentant du
pape en Terre sainte. La cérémonie a lieu le 15 janvier 1848 dans
l'église du Saint-Sépulcre. Immédiatement après, le custode lui remet
ses pouvoirs. Ce moment historique met fin à une période de plus de
cinq siècles, pendant laquelle la Custodie franciscaine a exercé en
fait et en droit les pouvoirs du patriarcat. Dès qu'il prend l'ordre en
mains, Mgr Valerga songe à le réorganiser sur deux points ; tout
d'abord, il demande la division des chevaliers en grades et classes,
avec des attributs propres non seulement pour se présenter comme les
autres ordres, mais aussi pour pouvoir récompenser ceux qui se seraient
signalés par des mérites particuliers. Après des années d'insistance,
Pie IX, par la lettre apostolique Cum multa sapienter du 24 janvier
1868, lui donne satisfaction et institue les trois classes demandées,
chevaliers, commandeurs et grand-croix. Ensuite le patriarche cherche à
obtenir la reconnaissance juridique de l'ordre. A cet effet, il
entreprend au cours de l'année 1867 une tournée des principales cours
catholiques d'Europe. L'Ordre est ainsi reconnu dès sa refonte par le
royaume de Piémont, bientôt d'Italie, l'Autriche et la Belgique. Enfin,
il cherche à augmenter le nombres des chevaliers en remplaçant la
clause de noblesse requise jusqu'alors par la notion d'appartenance à
une élite. Ainsi en moins de 25 ans, Mgr Valerga crée 1417 chevaliers
qui sont censés vivre more nobilium. A sa mort, Mgr Vicenzo Bracco,
également originaire du diocèse d'Albenga en Ligurie, lui succède.
Établi en Terre sainte depuis 1860, il est nommé en 1865 évêque
auxiliaire du patriarche qui le sacre dans la basilique du
Saint-Sépulcre. Sous son administration, l'Ordre s'accroît de 1116
chevaliers et de 100 dames. A sa mort, il est représenté dans neuf pays
: Allemagne, Autriche, Brésil, Canada, Espagne, France, Italie, Uruguay
et Venezuela. Le troisième patriarche Luigi Piavi, (1889-1905) crée
1053 chevaliers et 166 dames. A sa mort, trois nouveaux pays sont
représentés au sein de l'Ordre, le Portugal, Malte et le Royaume-Uni.
4.3.
La question de l'admission des femmes au sein de l'Ordre se pose très
rapidement avec la demande de lady Mary Frances Lomax qui exprime avec
beaucoup d'insistance le désir d'en devenir dame, ce qui est une très
grande nouveauté, presque révolutionnaire, dans la société du XIXe
siècle, les états n'admettant des femmes dans les ordres de chevalerie
ou de mérite qu'à titre exceptionnel. Un cartulaire du Saint-Sépulcre,
publié à Paris en 1849, cite déjà des noms de dames. Se fondant sur ces
données, le patriarche obtient de Pie IX en 1871, l'autorisation
d'accepter la noble dame anglaise dans l'Ordre. Fort de ce précédent,
le deuxième patriarche, Mgr Bracco, en accepte une centaine entre 1873
et 1889. Désirant toutefois une confirmation écrite pour une telle
faculté, il soumit la question à Léon XIII qui par le bref Venerabilis
frater du 3 août 1888 approuve la réception des dames dans l'Ordre. 5. L'ordre pontifical au XXe siècle.
5.1.
La mort du patriarche Piavi, en janvier 1905 est suivie d'une longue
vacance, le nouveau patriarche Filippo Camassei n'étant nommé qu'en
décembre 1906. Pour consolider la position de l'Ordre en Terre sainte,
Pie X se réserve pour lui et ses successeurs la charge de grand-maître
par la lettre apostolique Quam multa et accorde aux chevaliers une
place dans les chapelles papales (13 octobre 1908) tandis que le
patriarche est désigné comme Recteur et administrateur perpétuel de
l'Ordre. Le premier conflit mondial limite très sévèrement l'expansion
de l'Ordre, d'autant que le patriarche est retenu par les Turcs, en
résidence surveillée à Nazareth, en 1917. Après la guerre, le nouveau
patriarche Luigi Barlassina (1920-1947) réorganise son diocèse et
l'Ordre. En de nombreux voyages, il confirme ou rétablit les anciennes
lieutenances et en fonde de nouvelles aux États-Unis, à Cuba, en
Tchécoslovaquie et en Hongrie. Encouragé par Benoît XV, il fonde
l'œuvre de la préservation de la Foi en Palestine. Pie XI restitue au
patriarche ses prérogatives par la lettre apostolique du 6 janvier 1928
et confie à l'Ordre l'œuvre de la préservation de la Foi en Palestine.
A la suite de la controverse protocolaire surgie entre l'Ordre de Malte
et celui du Saint-Sépulcre, l'Ordre est désigné comme Ordre équestre du
Saint-Sépulcre de Jérusalem tandis que la dignité de grand-maître,
restaurée par Pie X, se trouve abolie et que les baillis représentants
le patriarche sont désormais appelés Lieutenants avec le prédicat
d'Excellence. Un décret de la Congrégation du Cérémonial du 5 août 1931
approuve les nouveaux statuts présentés par le patriarche.
5.2.
En juillet 1940, Pie XII institue un protecteur de l'Ordre en la
personne du cardinal Canali, dont le rôle se développe d'autant plus
que le second conflit mondial paralyse l'action du patriarche. La
grande maîtrise est restaurée le 14 septembre 1949 par le bref Quam
Romani Pontifices au profit du même cardinal. De nouveaux statuts sont
rédigés et promulgués, aux termes desquels l'Ordre, placé sous la
protection du Saint-Siège, jouit de la personnalité juridique et est
dévolu à un cardinal grand-maître nommé par le souverain pontife. La
visibilité de l'Ordre à Rome se manifeste par l'établissement de son
siège ecclésial en l'église de San Onofrio concédée par motu proprio le
15 août 1945 et par l'affectation du palais della Rovere, situé près du
Vatican, qui devient le siège du grand magistère, définitivement établi
à Rome ; Jérusalem demeurant le siège historique. L'Ordre est considéré
par le droit canonique comme une Association de Laïcs dans l'Église.
Le
cardinal grand-maître est aidé par quinze dignitaires formant le grand
magistère et se réunissant périodiquement. Dans chaque pays où l'ordre
est représenté, existent une ou plusieurs lieutenances, dirigées par un
lieutenant. L'ordre compte actuellement (2003) 32 lieutenances qui
regroupent plus de 20 000 membres. Une assemblée extraordinaire, la
Consulta, à laquelle participent les membres du Grand magistère et les
lieutenants, se réunit en principe tous les quatre ans. C'est
l'occasion pour le grand maître de donner des directives aux
lieutenants et d'assurer ainsi la cohésion de l'action de l'Ordre.
La
lieutenance de France compte plus de 600 membres, ecclésiastiques et
laïcs des deux sexes groupés en commanderies et en région. L'église
capitulaire est demeurée celle de Saint-Leu-Saint-Gilles, cependant les
cérémonies d'adoubement et de réception ont lieu à Saint-Louis des
Invalides, à Paris ou dans une grande ville de France. En 1930, une
Compagnie d'écuyers du Saint-Sépulcre est fondée à Paris par le baron
de Lormais, avec l'approbation du patriarche Barlassina, dans le but de
donner à la jeunesse un idéal chevaleresque et missionnaire. Cette
compagnie, pépinière de chevaliers n'a pas survécu aux turbulences de
la guerre. Toutefois, cette expérience se renouvelle à Paris ad
experimentum depuis 1999.
6. L'adoubement, engagement du chevalier
6.1. L'adoubement médiéval. Le
signe de l'adoubement est très fort au Moyen-âge. La chevalerie n'est
pas héréditaire comme la noblesse, elle doit se mériter. Elle est reçue
par choix personnel comme un honneur et un engagement. Le vocable
adoubement est significatif. Si l'on a longtemps pensé comme Du Cange
que le mot avait été formé à partir du verbe latin adoptare, qui
signifie adopter par parrainage, les médiévistes penchent aujourd'hui
plutôt pour une origine germanique du verbe dubban qui signifie frapper.
La
chevalerie est reçue au cours d'une cérémonie par la réception des
armes, l'épée et les éperons. Cette tradition de l'épée est hautement
symbolique. Le jeune noble, comme auparavant le fils du roi, reçoit
par-là une parcelle du pouvoir. L'épée est remise au nouveau chevalier
qui la ceint autour des reins. Au Xe siècle, s'effectue la bénédiction
de l'épée. Au XIe siècle, un rituel liturgique se met en place doublant
le rituel militaire. L'Église, utilisant la symbolique pour asseoir sa
pastorale, voit dans la christianisation de cette pratique, une manière
d'orienter la mission du chevalier selon la loi chrétienne et de
l'engager dans la défense de l'Église et des plus démunis. A la fin du
XIIIe siècle, l'évêque de Mende Guillaume Durand fixe par écrit les
diverses cérémonies conduites par l'évêque. Il note dans son livre
appelé pontifical, les textes canoniques pour la réception d'un
chevalier. Dès le XIVe siècle, la Curie romaine utilise ces textes.
6. 2. Se faire adouber sur le Tombeau du Christ. Cette
pratique singulière dans la chevalerie relève d'un très fort désir de
servir Dieu. La chevalerie du Saint-Sépulcre dans l'esprit de ceux qui
en font la demande, est supérieure à tout autre. Aux XIIe et XIIIe
siècles, la chevalerie est conférée par n'importe quel chevalier
présent. Puis, les nobles qui font le pèlerinage dans le but de
recevoir cette chevalerie prennent le soin de se faire accompagner par
un chevalier. On connaît ainsi des exemples de chevaliers de Saint-Jean
requis à Rhodes pour cette fonction. Dans les vingt dernières années du
XVe siècle, la collation de la chevalerie du Saint-Sépulcre est assurée
par Jean de Prusse. A sa mort, vers 1498, l'ordre est conféré par le
custode de Terre sainte, gardien du Saint-Sépulcre. Les premières
lettres de chevaliers connues, délivrées par le gardien datent de 1505.
Le registre matricule qui, à Jérusalem, conserve les noms des
chevaliers débute en 1561, avec quelques lacunes dans les premières
années.
Au XVe siècle, le rituel d'adoubement s'affine et les
rubriques du cérémonial se développent. L'adoubement se déroule lors de
la dernière nuit passée dans la basilique ; c'est l'acte qui parachève
le pèlerinage et lui donne toute sa force. Les candidats se préparent
en se confessant et en écoutant la messe au cours de laquelle ils
communient. La cérémonie débute après minuit, à l'issue du chant des
matines. Elle se déroule en deux temps, d'abord dans la chapelle de
l'ange, puis dans la chambre sépulcrale. Trois personnes sont présentes
dans ce lieu exigu, le futur chevalier, le père gardien et un frère
franciscain qui peut servir d'interprète. La cérémonie garde une
intimité recueillie d'autant qu'en théorie, elle reste interdite par
l'autorité ottomane.
6.3. Le cérémonial médiéval traverse les
siècles sans changement. A chaque adoubement le père gardien rappelle
la grandeur de la chevalerie reçue auprès du Tombeau. Jean Zuallart,
adoubé en 1585, rapporte l'homélie du vénérable franciscain et sa
définition de la chevalerie. " L'ordre est le même que celui autrefois
conféré aux Templiers, mais ils ne procurent pas comme à eux les
richesses temporelles; les nobles le méritent par le fait de leur
pèlerinage, les roturiers sont devenus capables d'être anoblis grâce
aux périls affrontés, aux dépenses et à la fatigue d'un tel pèlerinage
". Cette chevalerie est distincte de la chevalerie temporelle, elle
conduit le chevalier " à vivre plus spirituellement que temporellement
", elle est conférée en vertu du pouvoir spirituel du pape. La
chevalerie du Saint-Sépulcre au contraire de la chevalerie temporelle
se confère dans le secret, la simplicité et l'humilité et non pas en
présence des grands et au milieu des fêtes. Le père gardien conclut en
exhortant les nouveaux chevaliers à " rejeter les œuvres des ténèbres,
à endosser les armes de lumière et le spectre de justice, le bouclier
de la foi, le heaume du salut et le glaive de l'Esprit ". Pie IX
maintient le rituel d'adoubement lors de la restauration de l'Ordre, en
1848. Depuis le début du XIXe siècle, la cérémonie a lieu non plus dans
la chambre sépulcrale, réservé à l'Église grecque, mais dans la
chapelle de la Vierge, dite de l'Apparition, dont les franciscains ont
gardé l'usage. Le père custode, officie pontificalement comme son
statut lui en donne le droit, avec la mitre et la crosse. Un diacre
porte la vénérable épée si chère à Chateaubriand, les éperons d'or, la
croix suspendue à une chaîne d'or et les dépose sur l'autel du
Saint-Sépulcre. Après 1848, c'est le patriarche qui officie.
6.4.
L'Ordre du Saint-Sépulcre est le seul ordre à pratiquer l'adoubement
liturgique. Le caractère unique de ce cérémonial confère à chaque objet
utilisé, l'épée, la croix, le manteau, une signification spirituelle et
symbolique incomparable.
L'épée est indissociable de l'idéal
chevaleresque. A l'aube de la chevalerie, c'est l'épée remise par le
père ou le chef au jeune guerrier qui marque son élévation au rang
d'homme digne de se battre. L'Église n'a pas voulu effacer ce symbole
puissant, patiemment elle l'a intégré au rituel, donnant à l'épée une
force mystique et la transformant en glaive de justice.
La croix
rouge potencée cantonnée de quatre croisettes est définitivement
établie comme l'insigne de l'Ordre au XVIe siècle. Son symbolisme est
expressif. La croix même est l'instrument du supplice par lequel le
salut est rendu possible. La couleur rouge, couleur des martyrs évoque
le sang ; le nombre cinq, les plaies du Christ. La croix portée sur le
côté gauche exprime en un raccourci magistral la passion du Sauveur et
la préoccupation première des chevaliers.
Le manteau de laine
blanche marqué de la croix rouge sur le côté gauche est connu et porté
depuis le XVIe siècle. Il couvre entièrement le corps. Facultatif
jusque là, il fait partie du costume depuis 1907 et se porte sur
l'uniforme qu'il complète et masque à la fois. Ce manteau est un signe
d'appartenance mais, par symbolique, il dépasse ce simple signe. Comme
la croix, il est béni la veille de l'adoubement ; ce n'est plus une
étoffe taillée préservant du froid ou marquant l'appartenance à un
groupe mais un vêtement quasi liturgique. Ce symbolisme liturgique
trouve son fondement dans l'ancien Testament où l'importance du manteau
est plusieurs fois soulignée. Lorsque Élie est élevé aux cieux sur le
char de feu, il laisse son manteau à Élisée, lui conférant ainsi ses
pouvoirs de thaumaturge. Par ce geste, Élie prend possession d'Élisée
et l'investit de sa puissance. De même Isaïe proclame " Yahvé m'a
revêtu d'une robe et d'un manteau qui est sa justice tout comme la
fiancée met ses bijoux " (61, 10), tandis que Ruth (3,9) annonce "
étend sur ta servante le pan de ton manteau, tu as sur moi droit de
rachat " et qu'Ézéchiel (16,8) reprend " j'étendis sur toi le pan de
mon manteau, je m'engage par serment et je fais pacte avec toi ". En
revêtant son manteau, le chevalier du Saint-Sépulcre affirme son
appartenance à Dieu et son engagement à servir son Église et ses
ministres.
On a comparé l'adoubement liturgique à la réception
d'un sacrement, ce qui est erroné. On peut en revanche parler de
sacramental, puisque les armes sont bénies. L'adoubement liturgique
concrétise le nouvel état du chevalier dans l'échelle sociale. Il
reçoit un sacramental qui lui confère un statut juridique et règle ses
droits et ses devoirs de façon spécifique.
7. Aujourd'hui, l'Ordre au service des chrétientés de Terre sainte.
La
mission de l'Ordre est définie par le souverain pontife. Ses membres
s'engagent à soutenir matériellement et spirituellement les chrétiens
de Terre sainte et les œuvres du patriarcat latin de Jérusalem. Il
convient de ne pas oublier la présence en Palestine d'importantes
communautés chrétiennes depuis les premiers temps du christianisme et
sans discontinuer jusqu'à nos jours. Aujourd'hui, les populations
catholiques arabophones se trouvent souvent en état de discrimination.
L'accès aux études universitaires ne leur est pas facilité. De ce fait,
on assiste à un véritable exode de nombreux membres de ces communautés
qui se trouvent ainsi affaiblies et incapables de se suffire à
elles-mêmes. Aussi appartient-il à l'ordre de leur apporter sa
contribution et son appui pour que, comme le précise le pape Paul VI, "
la présence des disciples du Christ soit mieux affirmée autour des
sanctuaires ". C'est dans cet esprit que les membres de l'Ordre
visitent les communautés chrétiennes en Terre sainte, participent aux
cérémonies religieuses et prient avec leurs membres afin de leur
apporter un soutien moral qui les aide à se maintenir dans leur foi.
L'Ordre soutient également la formation d'un clergé local par
l'adoption de séminaristes.
La coexistence en Palestine des
représentants des trois religions monothéistes, à côté des luttes et
des déchirements qu'elle engendre, suscite ainsi des rapprochements
généreux qui pourraient être le point de départ d'une espérance de
concorde et de paix symbolisée selon l'heureuse expression du R. P.
Riquet par " cette fraternité d'Abraham où se retrouvent juifs,
chrétiens et musulmans résolus à se comprendre et à s'entraider ". Les
derniers statuts approuvés par Paul VI, le 8 juillet 1977, confirment
cette mission.
Jean-Paul II, confirmant la pensée de Paul VI,
dit aux membres du grand magistère, le 15 mai 1986 : " Continuez à
vénérer la terre sanctifiée par les patriarches, les prophètes, par les
pas du Fils de Dieu qui s'est fait Fils de l'Homme, par les apôtres, en
vous montrant toujours fidèles à l'esprit de vos statuts. Ils vous
incitent à prendre soin de la conservation et de la propagation de la
foi en Terre sainte et à promouvoir les institutions cultuelles,
caritatives, culturelles et sociales ainsi qu'à soutenir les droits de
l'Église en Palestine. Les actes de charité véritable pratiquée envers
les communautés chrétiennes qui vivent là-bas leur identité dans le
sacrifice sont dignes d'une particulière reconnaissance ".
L'Ordre
a pour objet de financer, en toute priorité, le diocèse patriarcal
latin de Jérusalem. Celui-ci compte 72.000 fidèles répartis dans une
soixantaine de paroisses situées dans l'État d'Israël, sur les
territoires de Cisjordanie et de Gaza, dans le Royaume Hachémite de
Jordanie et en République de Chypre. Le clergé compte un patriarche,
deux évêques, quatre-vingt prêtres auxquels s'ajoute la congrégation
palestinienne des Sœurs du Saint Rosaire forte d'une centaine de
religieuses. En plus du grand séminaire de Beit Jala accueillant une
soixantaine d'étudiants, le patriarcat latin compte des jardins
d'enfants, des dispensaires et des maisons pour personnes âgées et
handicapées. C'est sur cet ensemble que l'Ordre est appelé à
intervenir, en particulier pour l'entretien et le développement de tout
le réseau éducatif. Président de la Conférence des Évêques latins des
régions arabes (CELRA), le patriarche joue un rôle important au proche
orient tout en appartenant au Synode des évêques, organe de l'Église
universelle.
La Croix – mardi 20 janvier 2004. « Les Communautés chrétiennes ne doivent pas se sentir seules » Du
12 au 15 janvier, des représentants de plusieurs Conférences
épiscopales se sont retrouvés à Jérusalem pour marquer leur solidarité
avec les chrétiens de Terre Sainte. Parmi eux, Monseigneur
Bernard-Nicolas AUBERTIN. ENTRETIEN : Monseigneur Bernard-Nicolas Aubertin, Evêque de Chartres.Vous
étiez en Terre Sainte avec des représentants d’une quinzaine de
Conférences épiscopales américaine et canadienne. Pourquoi ce
voyage ? Mgr Aubertin : Il est important que les
communautés de Terre Sainte sachent qu’elles ne sont pas seules, car
elle ont le sentiment qu’elle n’intéressent plus personne. Il faut, en
particulier, encourager les pèlerins à venir. Je souhaite donc
fortement encourager ce mouvement, même si parmi les évêques français
cette prédication est déjà largement entendue : au cours de notre
séjour, le patriarche latin de Jérusalem, Monseigneur Michel Sabbah, et
différents prêtres que nous avons rencontrés nous ont dit qu’ils
étaient heureux de voir que la délégation française venue l’année
dernière avait porté ses fruits. Mais, avec les Italiens, nous sommes
pratiquement les seuls à venir ! Que retenez-vous de ce voyage ? Ce
séjour a été extrêmement intéressant, car il nous a permis de toucher
du doigt les énormes difficultés des chrétiens de Terre Sainte. Même
s’ils ne se résument pas aux Palestiniens, ce sont eux qui constituent
la communauté chrétienne dans sa grande majorité. Chaque jour, ils
doivent faire face aux difficultés nées de la guerre et du blocus.
C’est très difficile à vivre. Nous avons pu d’ailleurs nous en rendre
compte personnellement. C’est-à-dire ? Le
dimanche, accompagné de deux prêtres anglais et de huit prêtres
d’Aix-en-Provence, j’étais allé célébrer la messe à Taybeh. Au retour,
nous avons eu les plus grandes difficultés à revenir. Ainsi, au
troisième check point, nous avons été très longuement bloqués. Et
encore étions-nous étrangers : pour nous, tout était plus facile.
Mais il était très important de voir la situation. Avez-vous également ressenti la violence qui touche les Israéliens ? Pendant
notre séjour, il y a eu un attentat suicide. Nous avons donc pu voir de
près le cercle infernal de la violence et des extrémismes. Nous avons
aussi pu voir ce mur de 700 kilomètres, source de frustration et de
haine. Contre le terrorisme, les représentants des Eglises chrétiennes
sont unanimes, mais il est nécessaire de comprendre la désespérance des
Palestiniens. Vous avez également
rencontré le président israélien Moshé Katsav qui, devant vous, s’en
est pris très vivement à Monseigneur Sabbah qu’il a accusé de légitimer
la terreur… Au cours de cet entretien, le président e eu un long
monologue où il nous a expliqué son discours de protection des citoyens
israéliens. « »Nous sommes acculés à prendre des mesures dures, mais nous ne pouvons pas faire autrement », nous
a-t-il dit en substance. Après ce discours, le patriarche latin de
Jérusalem a pris la parole sur un ton très mesuré, rappelant que le
terrorisme devait être condamné, mais qu’il fallait aussi considérer
que, tant qu’il y aura une occupation violente et injuste, on
entretiendra un désespoir qui conduit certains à des actes terroristes.
C’est à ce moment que le président Katsav s’est fâché. Le patriarche
est resté impassible et, très calmement, a tenu à redire qu’il
condamnait toute forme de terrorisme. Egalement
au cours de ce séjour, les pèlerins arrivant en Terre Sainte se sont vu
remettre un document leur indiquant qu’une autorisation serait
nécessaire pour se rendre sur certains lieux saints en territoires
palestiniens, comme Bethléem. Comment les évêques ont-ils réagi ? Personnellement,
je n’ai pas eu droit à cette circulaire. Mais certains évêques l’ont
reçue. Pour nous, cela signifie que ces territoires ne sont pas
seulement bouclés pour les Palestiniens, mais qu’on ne veut surtout
plus d’étrangers sur place. Recueilli par Nicolas Senèze.
« Pas de murs, des ponts ! »« Evêques
catholiques d’Europe et des Amériques, nous sommes venus ici manifester
la solidarité des catholiques du monde entier avec l’Eglise de Terre
Sainte. Pour la troisième fois en quelques années, nous sommes venus en
amitié pour les peuples israélien et palestinien, qu’ils soient
chrétiens, juifs ou musulmans. Nouds avons vu les souffrances éprouvées
par les deux communautés : les attaques contre les Israéliens à
Gaza et la punition collective des citoyens palestiniens. Nous
exprimons nos condoléances pour les morts qui sont survenues au cours
de notre séjour et affirmons notre opposition à toute effusion de sang.
[…]« Ce n’est pas de murs qu’a besoin la Terre Sainte, mais de ponts ! » (Jean-Paul II, 16 novembre 2003).Nous
avons vu les effets dévastateurs du mur actuellement en construction à
travers les terres et les maisons des communautés palestiniennes. Ceci
apparaît comme une structure permanente, divisant les familles, les
isolant de leurs terres agricoles et de leur gagne-pain, et les coupant
de leurs institutions religieuses. Nous avons fait l’expérience de la
frustration et de l’humiliation subies chaque jour par les Palestiniens
aux points de contrôle, ce qui les gêne pour pouvoir aux besoins de
leur famille, atteindre l’hôpital, aller travailler, suivre leurs
études et visiter leurs parents.Nous
déplorons le fait que, en dépit d’efforts visibles, des prêtres,
séminaristes, religieuses, religieux et laïcs se voient refuser ou ont
des difficultés à obtenir leurs visas et leurs permis de séjour pour
étudier et travailler en Israël et dans les Territoires palestiniens.
Cela constitue un véritable obstacle à la capacité des Eglises de
remplir leur mission au service des peuples de Terre Sainte. […]Nous
espérons que notre propre voyage sera un exemple et un encouragement
pour nos fidèles chrétiens à venir et voir où le Christ a vécu. […]Nous
appelons tous nos fidèles croyants à porter témoignage de la vérité de
ce message que nous avons adressé aux chrétiens de Terre Sainte durant
ces jours : « Vous n’êtes pas seuls ! ».Déclaration finale des évêques d’Europe et des Amériques réunis à Jérusalem, traduction La Croix (extraits). |
Dans Famille Chrétienne n° 1355 du 3 au 9 janvier 2004, page 6 : Les
pèlerins reviennent peu à peu en Terre Sainte, se réjouit Monseigneur
Gourion, l’abbé de l’Abbaye d’Abu Gosh devenu récemment évêque
auxiliaire de Jérusalem (Le Figaro, 24 décembre 2003).« Les
communautés chrétiennes ne sont pas les seules à être réconfortées par
la visite de pèlerins étrangers. […] Les contacts entre les gens d’ici
et les pèlerins sont un signe puissant de paix, de renouveau, de
solidarité. L’amitié de ceux qui viennent apporte courage et espérance
aux habitants d’Israël et des Territoires. C’est l’antidote du
défaitisme, la preuve que Noël continue chez les hommes de bonne
volonté ».
Aider, ici et ailleurs Les Chevalier du Saint-Sépulcre ont ouvert la Semaine sainte au Mont Sainte-Odile. Issus
des Croisades, les Chevaliers du Saint-Sépulcre de Jérusalem ont pour
but de maintenir la présence chrétienne en Terre sainte (voir notre
édition du dimanche 8 avril 2003). Pour cet ordre chrétien, rattaché au
Saint-Siège et présent sur les lieux de la vie et de la mort du Christ,
le temps de Pâques revêt un symbolisme très fort. Ainsi, des membres de
la délégation d'Alsace se sont réunis ce dimanche des Rameaux au Mont
Sainte-Odile pour une entrée solennelle en Semaine sainte. Il
s'agissait aussi pour eux de se faire un peu mieux connaître du public.
Malgré l'apparat - robes, insignes, adoubement solennel - l'ordre se
veut dynamique, de sont temps. Ses membres poursuivent, en plus de leur
mission spirituelle auprès du patriarcat latin de Jérusalem, une
importante mission sociale. En ce temps de guerre au Moyen-Orient, les
populations chrétiennes sont dans une situation de plus en plus
précaire et il s'agit pour l'ordre de leur apporter un soutien moral et
matériel, afin d'éviter qu'elles ne quittent le pays. Les chevaliers
sont également actifs dans leur région, leur paroisse, où ils
appliquent ces mêmes principes d'aide aux plus faibles. Il s'impliquent
personnellement, et aussi financièrement puisque l'ordre ne fonctionne
que grâce aux dons et legs. Les prochains temps forts seront
l'assemblée générale de mai à Paris, avec d'adoubement à
Saint-Louis-des-Invalides, et les festivités du millénaire du pape Léon
IX, patron de la délégation Nord-Est. Dominique Gutekunst (Nouvelles d'Alsace)
L’ORDRE DU SAINT-SEPULCRE | B.
est en DESS de gestion de l'information à Sciences-Po Paris. Etudiant
parisien parmi d’autres, 24 ans, catholique… rien d’extraordinaire ne
semble le distinguer des jeunes de la « génération JMJ ». A un détail
près : il est écuyer de l’Ordre du Saint-Sépulcre. Il nous raconte
comment il s’est lancé dans cette aventure il y a de cela quatre ans.
On connaît l'Ordre de Malte mais beaucoup moins celui du Saint-Sépulcre. Voulez-vous nous le présenter brièvement ?
L'ordre
du Saint Sépulcre fut à l'origine fondé par Godefroy de Bouillon en
1099, après la prise de Jérusalem. Il adoubait des chevaliers assignés
à la protection du Saint Sépulcre. Tombé dans l'oubli pendant de
nombreux siècles, il a été remis à l'ordre du jour par le Vatican au
moment de la fondation du patriarcat latin de Jérusalem au 19e siècle
afin de soutenir, depuis l'Occident, toute l'action du diocèse en Terre
Sainte (séminaires, écoles, aide humanitaire...) sous deux formes : des
dons réguliers et un engagement fort de prière.
Il y a
aujourd'hui plus de vingt mille chevaliers dans le monde entier et cinq
cents en France. C'est un ordre militaire et religieux qui a su garder
toute sa dimension chrétienne. Pour devenir chevalier il faut
obligatoirement avoir un père spi ! Les chevaliers se réunissent
environ tous les mois pour assister à une messe, avoir un enseignement
sur la foi et partager ensemble un repas fraternel. Ils organisent des
actions caritatives : ventes de charité, quêtes à la sortie des
églises… et se rendent régulièrement en Terre Sainte pour constater les
effets de leurs efforts matériels et rester en union de prière avec nos
frères chrétiens qui vivent là bas.
Etre
chevalier aujourd'hui, c'est possible, et cela n'empêche pas d'être un
étudiant à l'aise dans son jean et ses tennis... qu'est-ce qui vous a
décidé à devenir écuyer ?
La
structure des écuyers est encore jeune : à peine quatre ans. Elle
permet à des jeunes à partir de vingt ans de recevoir une formation sur
la vie du chrétien engagé dans la cité – l’un des préceptes modernes de
la chevalerie - et de discerner pendant quelques années sa vocation ou
non à la chevalerie.
J'ai décidé de devenir écuyer grâce à un
ami qui me l'a proposé. Cette aventure me semblait exaltante et riche
en grâces. Je ne me trompais pas ! Au-delà de l'amitié que nous avons
les uns pour les autres, nous recevons un accueil à la fois fraternel
et détendu de la part des chevaliers.
En quoi cela vous aide-t-il à être un missionnaire du troisième millénaire ?
Notre
mission est en réalité double et cela fait son originalité : comme tout
catholique, nous cherchons à propager les valeurs de L’Evangile avec
humilité et amour. A cela s’ajoute pour nous, écuyers, notre souci de
sensibiliser le monde à la situation de la Terre Sainte et à encourager
une prière régulière pour les chrétiens qui vivent là bas. L’évangélisation
en Terre Sainte est interdite, punie de prison et passible, selon la
loi, de mort. Etre missionnaire là bas est donc difficile mais les
fidèles y sont beaucoup plus réceptifs qu’en Occident. Ils ont très
bien intégré ces difficultés : limites dans les déplacements,
difficulté de porter l’habit ecclésiastique, etc. Nous sommes en
train de mettre en place un échange de correspondance avec les
séminaristes de Bethléem : nous pensions leur apporter notre soutien
moral et notre prière. Au final, ce sont eux qui rayonnent et qui font
grandir notre foi !
L'Ordre est particulièrement actif en Terre-Sainte. De quelle façon, par quels moyens ?
L’Ordre
du Saint Sépulcre est impliqué dans l’entretien du Séminaire, ainsi que
dans toutes les activités du diocèse qui sont très variées :
financement des écoles, soutien financier aux familles dans la
détresse, aide aux démarches administratives et notamment celles du
permis de travail qui est si difficile à obtenir.
Le but
premier consiste à interrompre le départ des chrétiens palestiniens :
dans le petit village de Taybeh où nous étions, il ne restait que 1 200
habitants, alors que la diaspora en compte 10 000 répandus à travers le
monde ! En effet, ce sont souvent les plus éduqués : ils ont donc plus
de chance de trouver du travail à l’étranger et quittent le pays.
Vous-même avez passé trois semaines là-bas. Quels souvenirs en gardez-vous ?
J’y
étais il y a un mois ! Dans les territoires occupés, tout était calme :
les chrétiens vivent bien dans l’ensemble mais comme dans une prison à
ciel ouvert… Leur détresse est grande. Ils ont le sentiment d’être les
oubliés de cette guerre, tiraillés entre un grand désir de paix et la
volonté d’être enfin libres.
Leur courage et leur foi sont
étonnants à tous les points de vues : les jeunes sont d’une piété
extraordinaire et la vie des habitants s’organise autour de paroisses
très dynamiques. Le curé de Taybeh a même signé un contrat avec une
entreprise française pour vendre de l’huile d’olive !
J’encourage
tous ceux qui le peuvent à partir en pèlerinage en Terre Sainte ! C’est
précisément dans ces temps difficiles que les chrétiens ont besoin de
notre soutien. Les pèlerinages n’y sont pas plus dangereux qu’avant. «
Venez et voyez ! »
Propos recueillis par Sabine Laroche | | © Wembestre de la Lieutenance de France www.ordre-du-saint-sepulcre.org |